André-A. Bellemare, collaboration spéciale
Le Soleil

(Québec) Les quelque 175 000 chasseurs québécois de cerf de Virginie (chevreuil) devront-ils refaire leurs classes? On se pose la question, alors que les autorités responsables de la chasse nous apprennent qu'il existera à l'avenir au moins 27 «plans de gestion» de ce cervidé dans autant de zones provinciales de chasse.

Depuis environ deux ans, le ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF) préparait un nouveau plan de gestion du chevreuil pour la période 2010-2017. La semaine dernière, le MRNF nous a annoncé ces 27 plans, précisant qu'il pourrait y avoir aussi des règlements de chasse différents selon des secteurs à l'intérieur de chaque zone ! Et ces 27 plans seront... révisés dans quatre ans.

Ce seront les gestionnaires régionaux du MRNF qui établiront désormais les règlements, après avoir consulté autochtones, agriculteurs, forestiers, Transports Québec, municipalités locales et régionales, forces policières... et les chasseurs. Cela, même s'ils affirment haut et fort que les chasseurs sont «leurs outils essentiels de gestion de la faune».

Plaire à tout le monde...

Dans la préparation de ces 27 plans régionaux, les politiciens, hauts fonctionnaires et scientifiques cherchent à plaire à tous ceux qui ont exercé des pressions sur eux.

Des autochtones réclament des privilèges de chasse. Les antichasseurs voudraient éliminer la chasse du cerf, qui rapporte 114 millions $ par an. Les agriculteurs souhaitent réduire les cerfs causant des dommages à leurs champs et aux forêts. Des citoyens réclament une réduction des cerfs dévorant leurs plantes ornementales. Transports Québec et les policiers veulent réduire le nombre de cerfs provoquant des accidents. Les politiciens locaux, régionaux et provinciaux cherchent à plaire au plus grand nombre d'électeurs... alors que les chasseurs sont en minorité. Les hauts fonctionnaires ont donc ordonné aux scientifiques de... satisfaire le plus de monde possible. On verra bien, à mesure que les 27 plans de gestion seront concoctés, s'ils n'ont pas plutôt réussi à déplaire à tout le monde....

Des mesures

Même si les autorités du MRNF n'en ont pas parlé en public récemment, on sait que certaines d'elles favorisent l'instauration du permis de zone pour la chasse du chevreuil, à l'instar d'un tel permis existant depuis longtemps pour la chasse de l'orignal. Le permis de zone a déjà été clairement refusé par les chasseurs de cerf. Mais ça s'en vient assez vite...

À part les cas de quelques zones, les autorités veulent en principe réduire les stocks de cerfs, surtout dans les zones du sud-ouest (Bois-Francs, Amiante, Estrie, Montérégie...) pour que l'existence des hardes de chevreuils soit «socialement acceptable», disent-elles. Parce que, dans ces régions, où les chasseurs souhaitent bien sûr qu'il y ait toujours plus de cerfs, des citoyens aimeraient bien les voir disparaître...

Mais pourquoi serait-il socialement acceptable d'avoir six cerfs au kilomètre carré dans une zone, alors qu'il faudrait qu'il y en ait moins de quatre au kilomètre carré dans la zone voisine ? Pourquoi, en Estrie, voulait-on faire passer le nombre de cerfs de 12 à 10 au kilomètre carré, il y a 10 ans, alors qu'on parle maintenant de réduire ce nombre à moins de quatre au kilomètre carré ?...

Ce qui est étrange, c'est que les autorités insistent sur le fait qu'il n'y avait QUE 252 000 cerfs dans le Québec continental en 2008, et qu'il faudrait réduire ce nombre à 246 000. Pourtant, voilà peu de temps, on nous laissait savoir qu'il y avait quelque 350 000 chevreuils dans le Québec continental... avant qu'on invente toutes sortes de moyens de réduire leur nombre jusqu'à 250 000 ! Dans le cas de l'île d'Anticosti, où les scientifiques nous ont affirmé qu'il y avait au moins 160 000 chevreuils, on parle maintenant d'en réduire le nombre jusqu'à 120 000 : est-ce que c'est ainsi qu'on incitera les chasseurs à fréquenter l'île et les régions où l'on souhaite réduire le cheptel ?

Les chasseurs subiront d'autres restrictions, que nous leur dévoilerons à mesure que le MRNF daignera nous en informer. D'ores et déjà, on nous a dit qu'il y aura des restrictions à l'appâtage pour, dit-on, éviter la transmission de maladies chez les cervidés. Et il pourrait y avoir, dans certaines zones de chasse, une réglementation «expérimentale» obligeant les chasseurs à ne récolter que des cerfs mâles portant des bois ayant au moins trois pointes sur un merrain ! Méfiez-vous : ce qui est «expérimental», dans les règles québécoises sur la pêche et la chasse, est presque toujours devenu la norme après peu d'années...

http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/sports/chasse-et-peche/201009/22/01-4320705-cerf-27-livres-de-regles-a-lavenir-.php

ÉDITORIAL: De grandes attentes face au plan de gestion du cerf de Virginie 2010-201729/09/2010 | Par Richard Monfette

Au moment de préparer notre édition du mois d’octobre, nous avons appris de la bouche même des responsables de l’élaboration du plan de gestion du chevreuil au ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF) que les informations entourant celui-ci seraient rendues disponibles aux médias le 16 septembre. Toutefois, étant donné le grand intérêt de ce dossier pour l’ensemble des chasseurs de chevreuil québécois, nous voulions absolument en traiter dans la présente édition.

Pour y arriver, nous avons demandé aux responsables du MRNF s’il leur était possible de nous fournir un article prêt à publier pour le 1er septembre au plus tard, pour respecter notre échéancier de production. Les gestionnaires de la grande faune ont accepté notre proposition, en échange de notre engagement de garder l’information secrète jusqu’au 16 septembre, moment de l’annonce officielle du ministre. En page 76 de ce numéro, vous retrouvez donc un article relatant les grandes lignes de ce fameux plan de gestion.

Premièrement, fameux parce que ce dossier était attendu depuis belle lurette (hiver 2010) et que sa publication a été retardée de plusieurs mois sans explications très claires. Deuxièmement, fameux parce que ce dossier avait suscité de grandes attentes parmi les chasseurs s’intéressant de près à la gestion du chevreuil au Québec.

Vous dire que je n’ai pas été déçu à la lecture de ce compte rendu serait vous mentir. En terminant le dernier paragraphe, je me sentais vraiment comme quelqu’un qui a très faim, mais qui n’est aucunement rassasié… En fait, j’étais déçu parce que le plan de gestion 2010-2017 n’apporte tout simplement pas les réponses auxquelles nous nous attendions.

Peut-on vraiment être surpris? Oui et non. Oui, parce que le long délai de publication nous donnait vraiment l’impression que de grandes décisions de gestion étaient à l’ordre du jour chez les responsables. Cela expliquait sans doute la durée du processus. Pourtant, à la lecture du plan, aucune décision de grande importance ne semble avoir été prise pour le moment. Seules quelques projections de gestions possibles sont mentionnées (voir plus bas).

Et non il n’y a pas lieu d’être surpris, parce que les gestionnaires de la grande faune sont par tradition très prudents (d’autres diront conservateurs). Visiblement, comme le plan l’indique, ils estiment que tout semble aller pour le mieux et que la meilleure chose à faire pour le moment est de ne rien faire... Il faut aussi ajouter l’influence très néfaste des hivers 2008 et 2009, qui ont fortement diminué les densités de chevreuils dans plusieurs régions et, par ricochet, possiblement causé le report de certaines décisions de gestion.

Malgré le statu quo maintenu par les gestionnaires en début de plan, sa lecture attentive révèle tout de même certaines directions que les responsables pourraient emprunter au cours de la période couverte. On y apprend par exemple que pour éviter l’introduction de la maladie débilitante chronique (MDC) au Québec, on prévoit mettre en place des mesures visant à contrôler l’importation des carcasses en provenance de l’extérieur du Québec. C’est une mesure que les chasseurs qui pratiquent leur activité à l’extérieur de la province devront suivre avec attention.

On y lit aussi que les gestionnaires veulent maintenir ou augmenter le nombre de chasseurs, simplifier la réglementation et faciliter l’accès des adeptes aux terres privées. Espérons que ces mesures ne demeureront pas de simples vœux pieux. Il est également mentionné que de nouvelles zones plus nordiques pourraient être ouvertes à la chasse dans l’avenir. Enfin, comme plusieurs chasseurs souhaiteraient que le nombre de beaux mâles augmente dans la population dans différentes régions, un projet expérimental de chasse visant la protection des jeunes mâles pourrait voir le jour. À mon avis, une telle initiative donnerait des résultats fort intéressant et pourrait éclairer les responsables sur sa faisabilité dans différentes zones de la province.

Par ailleurs, la teneur de ce plan de gestion et le temps mis à le produire est peut-être aussi le résultat d’un trop grand nombre d’intervenants dans ce dossier? C’est bien connu, plus on est de gens autour d’une table, plus il est difficile d’obtenir un consensus rapidement. Dans de tels cas, le statu quo est la solution la plus facile à envisager…

Il reste maintenant à souhaiter que Dame nature soit de notre côté dans les années à venir, pour que les gestionnaires puissent enfin avoir toute la latitude de mettre de l’avant les mesures nécessaires au maintien d’un cheptel en bonne santé et d’occasions plus intéressantes pour les chasseurs québécois. Bien entendu, nous suivrons ce dossier très attentivement!