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ANNE CAROLINE DESPLANQUES
JOURNAL DE MONTRÉAL, PUBLIÉ LE: LUNDI 08 SEPTEMBRE 2014, 21H41 | MISE À JOUR: LUNDI 08 SEPTEMBRE 2014, 22H15
Le Canada est l’endroit au monde où les forêts sont les plus dégradées, devant la Russie et le BrésilLe Canada est désormais le pire pays au monde pour les arbres. De la réserve faunique de La Vérendrye au Québec à Fort McMurray en Alberta, c’est ici que les forêts ont été le plus dégradées depuis l’année 2000, d’après un rapport international.
Toutes les quatre secondes, l’activité humaine est responsable de la disparition de l’équivalent d’un terrain de football de forêt vierge. Près d’une fois sur quatre, depuis l’année 2000, ça se passe au Canada.
C’est plus que nulle part ailleurs au monde, y compris au Brésil, indique une analyse conduite par une équipe de l'Université du Maryland avec la collaboration de groupes écologistes, dont Global Forest Watch et Greenpeace.
«Il n’y a pas de volonté politique au niveau fédéral ou provincial pour conserver les forêts vierges», dénonce Peter Lee de Global Forest Watch Canada. Le gros de l’activité forestière au Canada se passe encore aujourd’hui dans ces forêts.»
Pour en arriver à ces conclusions, les analystes ont compilé les images satellites détaillées du globe de 2000 à 2013 et les ont comparées d’une année à l’autre.
Au Canada, on constate qu’«il n’y a pratiquement plus de grande canopée intacte et l’empreinte de l’industrie forestière monte de plus en plus vers le nord», observe Nicolas Mainville, de Greenpeace.
On perd ainsi des écosystèmes qui jouent «un rôle critique dans le maintien de la biodiversité et dans la régulation du climat, et qui assurent la purification de l’eau et de l’air, limitent l’érosion et contrôlent les inondations», explique Global Forest Watch.
Le Québec pas mieuxAndré Tremblay, du Conseil de l’industrie forestière du Québec estime que la province assure mieux que les autres «la protection des écosystèmes fragiles». Il souligne que 40% de la forêt boréale continue est au nord de la limite nordique, un secteur intouchable pour l’industrie.
Mais les images satellitaires offrent un autre portrait. «Le nord du Lac-Saint-Jean se démarque comme une région du monde où l’activité industrielle sur la forêt est la plus forte», note M. Mainville.
Et quand elles ne montrent pas de vastes espaces coupés à blanc, les images sont parsemées de routes et de chemins forestiers ou miniers. Au Québec uniquement, entre 4000 et 5000 km de ces voies de circulation sont construits par an, soit l’équivalent d’un aller-retour Montréal-Miami, selon le Centre d’étude sur les forêts.
Cette transformation irréversible du territoire est pointée du doigt comme une des causes majeures de la disparition du caribou forestier, espèce classée «vulnérable» au Québec depuis 2005.
UNE CLÉ POUR LES ALGONQUINS DE LA VÉRENDRYELes données satellitaires compilées par les analystes de l’Université du Maryland et les écologistes serviront de munitions aux Algonquins qui tentent de stopper les coupes forestières dans la Réserve faunique de La Vérendrye.«Nous devons montrer au tribunal l’atteinte cumulative sur la forêt à travers le temps. Il nous faut des experts qui le prouvent», explique Me Paul-Yvan Martin, l’avocat des familles algonquines.
Le juriste espère que les explications de Peter Lee, de Global Forest Watch, sauront convaincre le tribunal que la lutte de ses clients n’est pas une bataille individuelle, mais bien un enjeu qui concerne l’ensemble des Québécois.
Développement durable«Les droits ancestraux ne font pas le poids face aux emplois aux yeux du tribunal, mais il y a plus que les droits ancestraux: il y a le développement durable et ce n’est pas du développement durable qu’on est en train de faire actuellement dans La Vérendrye», plaide Me Martin.
«Si on veut concilier les trois pôles du développement durable, il faut laisser de la place au pôle économique», réplique André Tremblay, du Conseil de l’industrie forestière.
«Au Québec, on fait de la foresterie durable», poursuit-il, en soulignant que «chez les Algonquins, il doit bien rester des arbres puisqu’il y en a qui veulent les protéger».
Bien que classée réserve faunique, La Vérendrye est coupée à un rythme estimé de 2000 arbres par jour. Les Algonquins tentent d’obtenir une injonction du tribunal pour que la compagnie Louisiana Pacific y cesse ses activités.
Ils plaident qu’ils n’ont pas été consultés ou accommodés avant l’octroi des droits de coupe par Québec et qu’ils n’ont pas consenti à céder leur territoire ancestral. Une victoire serait une première au Québec.
En juin dernier, la Cour suprême a donné raison à un autre groupe autochtone dans une cause similaire, en Colombie-Britannique.
en rose sont des forêts dégradées et en bleu des zones de consevation
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