PESSAMIT, QC, le 17 nov. 2016 /CNW Telbec/ - Le Conseil des Innus de Pessamit a fait parvenir à Hydro-Québec, deux lettres de mise en demeure. La première, l'enjoignant d'interrompre immédiatement le rehaussement du réservoir Manicouagan. La seconde, de faire en sorte que cesse l'actuelle gestion hydraulique causant l'arrachement et l'entraînement des berges de la rivière Betsiamites. Invoquant, dans les deux cas, l'illégalité de telles actions, les Pessamiu Ilnut accusent également Hydro-Québec de porter atteinte à leurs droits ancestraux.
Mise en demeure, réservoir Manicouagan :
Hydro-Québec a amorcé en 2016, un processus de rehaussement du niveau d'eau qui, selon ses propres experts, n'a jamais été atteint depuis au moins 40 ans. La société d'État a agi sans avoir consulté le Conseil des Innus de Pessamit sur le Nitassinan duquel est situé le réservoir. En agissant de la sorte, Hydro-Québec à titre de mandataire de l'État a manqué l'obligation constitutionnelle de consultation relativement aux droits des nations autochtones.
Par ailleurs, dans sa mise en demeure datée du 16 novembre 2016, le Conseil des Innus de Pessamit note qu'Hydro-Québec ne prend aucune mesure environnementale particulière pour gérer les impacts environnementaux du rehaussement. Le Conseil rappelle, en effet, qu'il est établi scientifiquement que l'inondation d'un milieu forestier provoque la libération dans l'eau de méthyl-mercure. Cette substance est réputée se concentrer à chaque échelon de la chaîne alimentaire au sommet de laquelle se trouvent non seulement les Pessamiu Ilnut, mais également les populations des autres collectivités de la Côte-Nord, de nombreux mammifères et toute une variété d'oiseaux.
Si Hydro-Québec a pu, à un moment quelconque, occuper en tout ou en partie les superficies visées par le projet de rehaussement, rien ne l'autorise aujourd'hui à s'approprier des terres qu'elle n'a pas occupées depuis 40 ans, qui sont occupées actuellement par les Innus et sur lesquels ils n'ont jamais cédé leurs droits. Au-delà de cette atteinte aux droits ancestraux des Pessamiu Ilnut, le rehaussement contrevient à plusieurs lois fédérales et provinciales dont celles sur les Pêches, les oiseaux migrateurs, la conservation et la mise en valeur de la faune, ainsi que celle sur la qualité de l'environnement dont l'article 20 proscrit le rejet dans l'environnement de tout contaminant susceptible de porter atteinte à la vie, à la santé, à la sécurité, au bien-être ou au confort de l'être humain, de causer du dommage ou de porter autrement préjudice à la qualité du sol, à la végétation, à la faune ou aux biens.
Mise en demeure, rivière Betsiamites :
Le Conseil des Innus de Pessamit exige qu'Hydro-Québec mette fin sans délai aux fluctuations de débit qui affectent la rivière Betsiamites et qu'elle en rétablisse le flot naturel. La gestion hydraulique de cette rivière qui, avant son utilisation à des fins énergétiques était considérée comme l'une des rivières à saumon les plus productives au Québec, a des effets irréparables sur le poisson et son habitat. Dans le cas du saumon Atlantique, elle contribue directement à l'arrachement des oeufs des frayères, au lessivage des alevins hors des sites d'alevinage et au colmatage des frayères par l'argile des berges mises à nue.
La fréquence des variations de débit de la rivière Betsiamites sont de 130 m3/s à 650 m3/s, jusqu'à sept fois par jour. Il en va de même pour les variations dans la vitesse des courants et des niveaux d'eau qui oscillent à répétition de 1,5 mètre dans une même journée, au gré de la demande énergétique. Cette situation est largement attribuable au fait que la centrale Bersimis 2 est utilisée pour répondre à des pointes de demande de courte durée. Si la situation perdure, la population de saumons de la rivière Betsiamites est appelée à disparaître dans un avenir immédiat. Il est inconcevable qu'Hydro-Québec puisse appliquer à une rivière de cette importance ainsi qu'à une espèce désignée « préoccupante » de pareilles fluctuations de débit, d'autant plus que les barrages Bersimis 1 et 2 furent érigés sans consultation et sans le consentement des Innus.
En agissant comme elle le fait vis-à-vis la Betsiamites, la société Hydro-Québec contrevient à l'article 35 (1) de la Loi constitutionnelle de 1982. Tout comme dans le cas du réservoir Manicouagan, Hydro-Québec contrevient à la Loi sur les Pêches ainsi qu'à la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune. Hydro-Québec contrevient de plus à la règlementation afférente à la Loi sur les espèces menacées et vulnérables.
Manicouagan et Betsiamites :
Concernant ces deux dossiers, le Conseil des Innus de Pessamit a donc décidé de mettre la société d'État en demeure de respecter les lois en vigueur et de faire cesser des pratiques jugées répréhensibles et inacceptables, faute de quoi il réserve tous ses recours, incluant celui de demander aux ministres compétents d'exercer leurs pouvoirs afin de contraindre Hydro-Québec à cesser d'enfreindre les lois.
SOURCE Conseil des Innus de Pessamit