Voici la décision rendue antérieurement et sur laquelle la Juge Monique Dupuis a pris en considération.
COUR DU QUÉBEC
« Division des petites créances »
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE QUÉBEC
LOCALITÉ DE QUÉBEC
« Chambre civile »
N° 200-32-025841-015
DATE : 8 FÉVRIER 2002
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE MONSIEUR LE JUGE DANIEL LAVOIE
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ANDRÉ MORAIS
2568, rue Ménard
Sainte-Foy (Québec) G1W 1C6
JEAN-MARIE FORTIN
3189, rue des Verdiers
Charlesbourg (Québec) G1G 1Y7
MICHEL VAILLANCOURT
25, rue des Mélèzes
Ville Mercier (Québec) J6R 1W3
et
HERVÉ VAILLANCOURT
62, rue Watt
Châteauguay (Québec) J6J 4Z8
Requérants;
c.
SEPAQ
801, chemin St-Louis, suite 180
Sillery (Québec) G1S 1E1
Intimée.
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JUGEMENT
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[1] Les requérants sont réunis dans la même requête pour obtenir le remboursement d’un séjour de chasse. L’intimée leur a loué en effet un territoire de chasse à l’orignal de quelque 45 km dans la Réserve faunique de Sept-Îles • Port-Cartier entre les 16 et 22 septembre 2000. Les requérants formaient alors un groupe unique de chasseurs.
[2] André Morais, qui agissait comme chef de groupe, a participé au tirage de l’intimée au printemps de l’an 2000 dans le but de pratiquer la chasse automnale prévue cette année-là.
[3] Ayant été favorisés par le sort, les requérants ont acquitté le montant de la facture de 1483,82 $ émise par l’intimée le 31 mai 2000 sous le numéro 120705.
[4] Deux des requérants sont donc partis, dans le même véhicule, de la région métropolitaine pour gagner le bureau d’enregistrement de la réserve la veille du séjour de chasse, les deux autres requérants se transportant dans un autre véhicule à partir de Québec.
[5] Comme ils avaient entendu parler, après le paiement de leur réservation, de la possibilité que des autochtones soient présents sur le territoire de chasse en même temps qu’eux, le directeur de la réserve, Jean Bourque, a confirmé cette information en précisant toutefois qu’il s’agissait d’activités ancestrales, que l’intimée s’était entendue à ce sujet avec les autochtones et que les requérants n’avaient rien à craindre concernant la qualité ou le succès de leur séjour de chasse.
[6] Or la preuve non contredite révèle des faits incompatibles avec l’assurance donnée par ce représentant de l’intimée.
[7] La correspondance échangée par les parties les 13 et 27 octobre 2000 ainsi que le 2 décembre élague les griefs des requérants comme suit :
En effet, dès notre arrivée et à notre grande surprise, le vendredi 15 en après-midi, nous avons vu des autochtones en camions (pick-up) ainsi qu’en véhicules tout terrain chasser dans notre secteur, dans nos routes d’accès et nos sentiers menant à nos caches.
On a constaté les jours suivants, que ces personnes chassaient autant le jour que la nuit, avec des carabines de gros calibre. Ils se déplaçaient aussi dans nos secteurs aux meilleures heures de chasse sans se soucier de notre présence. Ces gens ont même tiré des coups de feu afin de tenter d’intimider 2 personnes de notre groupe.
[...]
Compte tenu des circonstances, à savoir principalement;
qu’il nous a été impossible, malgré les confirmations préalables de votre Société, de vous et de vos employés, à l’effet que nous serions seuls dans ce secteur, d’avoir droit et d’obtenir pour notre groupe un secteur réservé et exclusif de chasse pour la semaine prévue,
que nous n’avons pu pratiqué (sic) notre activité principale et jouir en paix de nos vacances dans des conditions agréables ou du moins acceptables en toute tranquillité, sans intimidation ou provocation quelconque de qui que ce soit,
que vous n’avez pas, en tant que Société et/ou responsable de cette Société, fait cesser ces comportements et pu expulser et/ou faire expulser sans délai ces gens de notre secteur de chasse, dès que nous nous en soyons plaints par téléphone à vos bureaux,
Pour ces motifs et compte tenu que nous avons dépensé inutilement des sommes importantes pour la préparation et la réalisation de ce voyage, [...] je vous demande de faire les démarches nécessaires afin que nous soyons compensés de façon équitable et adéquate pour les dépenses encourues mais aussi pour tous les tracas, troubles, préjudices, stress et inconvénients dont nous avons été victimes lors de ce séjour et qui auraient facilement pu nous être évités.[1]
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Cependant, étant donné que le territoire sur lequel vous avez chassé n’a été ouvert que tout dernièrement et que, par conséquent, vous n’avez peut-être pas été informé (sic) avec suffisamment de préavis de la possibilité de présence autochtone dans cette zone, nous acceptons de considérer une compensation.[2]
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D'autre part, nous tenons aussi à préciser certaines allégations de votre lettre du 27 octobre dernier. Car contrairement à ce que nous pouvons y lire ;
- Nous avions pris l’information, avant le tirage au sort et après avoir été sélectionné, sur la possibilité de rencontrer des autochtones dans notre zone de chasse et il nous a toujours été confirmé qu’il n’y en aurait pas. Nous n’avons donc jamais été informé (sic) de la présence d’autochtones dans notre zone de chasse ;
- Sur place, nous avons fait des démarches, à deux reprises, auprès de quatre agents de conservation de la faune, afin de faire respecter notre zone de chasse et on vous a avisé personnellement par téléphone, en début de semaine, des problèmes rencontrés. Nous avons donc informés (sic) vos bureaux de la situation;
- Finalement, et non le moindre, nous avons été informés, que vous, (incluant vos préposés et/ou votre Société) étiez bien aux faits des problèmes existants, avant notre arrivée. Car un autre groupe de chasseurs vous avaient avisé durant la semaine.[3]
[8] Les quatre requérants totalisent 56 ans d’expérience dans le domaine de la chasse sportive à l’orignal. Ce qui établit une moyenne de 14 années par chasseur.
[9] Les griefs énumérés dans leur correspondance les amènent à confirmer au Tribunal qu’ils n’avaient jamais vécu pareille expérience de chasse auparavant...
[10] Le directeur des opérations de l’intimée, Pierre Pitre, est venu expliquer la position de la Société des établissements de plein-air du Québec (SÉPAQ) dans cette affaire.
[11] Elle se résume à deux choses :
premièrement, la documentation publiée par elle relativement à ce contrat de service indique clairement, selon lui, la possibilité d’une présence autochtone;
deuxièmement, il est d’opinion que les activités bruyantes dénoncées par les requérants n’affectent pas la qualité de la chasse laquelle ne doit pas être confondue, à son avis, avec celle de la détente recherchée par les chasseurs.
[12] Le Tribunal n’hésite aucunement à rejeter cette défense.
[13] D’abord, concernant l’information contractuelle préparée par l’intimée dans ses documents, le Tribunal note que la facture émise en date du 31 mai 2000 ne fait aucunement mention de la possibilité que des autochtones soient présents sur le territoire de chasse des requérants, contrairement à l’indication à cet effet qui a été reproduite sur la copie datée du 14 janvier 2002, soit la date de l’audition.
[14] Quant à la brochure provinciale intitulée TIRAGES AU SORT pour la saison 2000[4], elle mentionne de façon générale que des autochtones se livrent à des activités de chasse et de pêche dans certains secteurs, sans préciser lesquels.
[15] Il en est de même dans la lettre circulaire qui a été communiquée aux requérants par le directeur de la Réserve faunique de Port-Cartier • Sept-Îles, Jean Bourque, à la même date que la facture émise par l’intimée. Il n’est pas question, là non plus, que le secteur loué par les requérants serait particulièrement visé par une présence autochtone.
[16] Mais quoi qu’il en soit de ce premier moyen de défense soulevé par l’intimée, le Tribunal est d’avis que la description des faits, non contredits par l’intimée, est incompatible avec la nature du contrat intervenu avec les requérants.
[17] Nous ne partageons pas l’opinion du représentant de l’intimée que les gestes reprochés par les requérants n’étaient pas susceptibles de déranger le gibier qu’ils chassaient. L’opinion contraire exprimée par les quatre requérants présents devant nous est préférable en dépit du fait que le représentant de l’intimée paraît posséder également une importante expérience de chasse au gros gibier.
[18] Deux des requérants ont 20 et 25 années d’expérience dans cette activité sportive. Cela suffit pour nous convaincre qu’un gibier se laisse plus difficilement leurrer par le bruit et la présence humaine que par le silence et la solitude!
[19] Mais, il ne s’agit pas strictement que de cela dans le cas présent.
[20] La quiétude des chasseurs est également un élément important d’un contrat de chasse contingentée dans un territoire exclusif. Car il s’agit bien de chasse sportive.
[21] Ce qui inclut nécessairement l’idée qu’on recherche un degré élevé de détente du côté des participants à ce genre d’activité. Ce que n’a pas pu fournir l’intimée, manquant ainsi à ses obligations d’accorder à ses locataires-chasseurs des droits d’accès à un territoire exclusif de 45 km en pleine nature.
[22] En résumé, la SEPAQ n’a pas respecté ses engagements contractuels. De plus, comme l’affirment les requérants, elle n’a pas pris les moyens pour faire cesser, lors du séjour, les causes du dérangement subi par eux.
[23] Les requérants ont donc droit au remboursement du montant de 1483,82 $ qui a été payé en acquittement de la facture de l’intimée, datée du 31 mai 2000.
[24] Ils ont également droit aux frais de transport indûment encourus par eux. Deux des requérants ont fait le trajet Montréal - Côte-Nord, aller-retour, et les deux autres à partir de Québec. Le kilométrage réclamé est accordé, soit 3400 km[5] à 0,35 $ le kilomètre, pour un montant de 1190 $.
[25] Leur demande relative au remplacement d’un moteur hors-bord disparu au cours de leur séjour est cependant rejetée. Ce dommage ne découle pas directement de l’exécution fautive du contrat intervenu avec l’intimée.
[26] Les requérants ont donc droit à 668,46 $ chacun[6].
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
CONDAMNE l’intimée à payer à chacun des requérants 668,46 $ avec l’intérêt légal à compter du 24 janvier 2001 et des frais judiciaires de 72 $ au requérant André Morais, seulement.
DANIEL LAVOIE, J.C.Q.
Date d’audience : 14 janvier 2002
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[1] Mise en demeure des requérants du 13 octobre 2000.
[2] Réponse du directeur de la réserve faunique du 27 octobre 2000.
[3] Réplique des requérants, datée du 2 décembre 2000.
[4] Pièce I-2.
[5] 2000 km aller-retour de Montréal et 1400 km aller-retour de Québec
[6] 1483,82 $ + 1190 $ = 2673,82 $ ¸ 4 = 668,46 $
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