http://www.lapresse.ca/le-quotidien/pro ... gistre.phpCHRONIQUE / C'est un secret de Polichinelle à savoir que les policiers du Québec ne considèrent pas le registre des armes à feu comme un outil indispensable à leur sécurité, mais aucun policier n'ose se prononcer publiquement dans ce dossier pour des raisons d'ordre professionnel.
Il aura fallu le témoignage d'un lieutenant retraité de la Sécurité publique de Saguenay, Dominique Corneau, pour connaître un point de vue différent des forces de l'ordre.
Dans un mémoire présenté à l'intention de la Commission parlementaire sur le projet de loi sur l'immatriculation des armes à feu, le policier, qu'on connaît aussi pour ses missions en Haïti, livre une opinion basée sur son expérience policière de 32 ans, dont 30, directement en terrain opérationnel.
Il affirme entre autres que «les policiers du Saguenay et de la province ne peuvent se fier uniquement au contenu d'un registre, puisqu'en respectant rigoureusement la loi, je peux moi-même prêter une arme à un ami qui possède un certificat de possession et d'acquisition d'arme à feu. Cette arme sera enregistrée à ma résidence, mais sera entreposée en toute légalité dans la résidence de mon ami, le temps qu'il pratique son activité de chasse ou de tir», met en lumière l'ancien policier.
«Les associations de policiers se sont prononcées en faveur d'un registre sans même consulter leurs membres. Dans mon service, j'ai questionné les membres. Aucun n'a le souvenir d'avoir été consulté lors de réunion quelconque, aucun», assure-t-il.
«Quand on leur demande s'il y a une utilité à un tel registre, ils sont tous unanimes à dire que, qu'il y a un registre ou non, qu'on se doit de faire nos interventions comme s'il y avait présence d'armes, avec une prudence maximum. Après l'intervention initiale et que l'on se soit assuré de la sécurité de cette intervention, nous abaissons notre niveau de vigilance pour l'adapter à la situation et aux personnes présentes.»
«Il peut y avoir des armes présentes dans le lieu de l'intervention de façon tout à fait légale, sans que celles-ci ne figurent au registre. Il peut y en avoir de façon illégale et elles ne seront évidemment pas inscrites au registre.»
«Donc, que vous instauriez un registre on non, les policiers ne se fieront jamais à cette banque de données. Le policier qui interviendrait en se fiant uniquement aux données du registre, et aux faux sentiments de sécurité qu'il procurerait, met sa vie en danger et sa sécurité en jeu, ainsi que celle de ses collègues, à court et moyen terme», fait valoir Dominique Corneau qui donne quelques exemples terrain dans son mémoire.
Investir en santé mentale
L'ancien policier de Saguenay a la sagesse de souligner les problèmes de santé mentale. «Les policiers du Québec seraient soulagés d'apprendre que notre gouvernement interviendrait en santé mentale, à la source du problème plutôt que d'intervenir au niveau d'un registre d'armes dans lequel ils n'auront de toute façon aucune confiance, et pour lequel ils n'ont jamais été consultés. Il est de surcroît illogique de criminaliser des personnes malades, en détresse psychologique,» fait-il valoir.
«Les policiers travaillant sur le terrain sont unanimes sur un sujet. L'investissement que vous désirez faire serait plus rentable et efficace si vous investissiez l'argent des contribuables en santé mentale. Lors de la désinstitutionnalisation des personnes, et la période qui a suivi, le nombre de cas d'actes criminels aurait augmenté considérablement auprès de cette clientèle. Les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale font l'objet d'un suivi moins rigoureux que quand ils sont sous la responsabilité immédiate des services de santé», met en lumière le Saguenéen.
L'opinion de cet ancien policier ne changera rien à l'intention du gouvernement provincial d'aller de l'avant dans son projet de registre d'arme d'épaule, mais ça jette un peu de lumière sur l'opinion des policiers dont les dirigeants conseillent nos politiciens à ce sujet.