Samedi, le 19 janvier 2008
58 accidents survenus en 2007 impliquaient des chevreuils
Par Diane Lapointe
Vous roulez paisiblement en voiture et soudain, un chevreuil bondit devant vous! Cette scène ne se passe pas quelque part à la campagne, mais bien dans un quartier résidentiel de l’agglomération de Longueuil. Chaque année, sur nos routes, plusieurs automobilistes frappent des cerfs de Virginie.
En 2007, on rapporte 58 accidents impliquant un chevreuil, à Longueuil ou dans l’une des villes liées. C’est cinq de moins qu’en 2006. Heureusement, jusqu’à ce jour, on ne constate que des dommages matériels, mais une collision avec cette bête pourrait engendrer des blessures graves.
Un cheptel à la baisse à Longueuil
À Longueuil, les accidents de la route ainsi que le développement du territoire ont un effet direct sur le cheptel de chevreuils, qui ne cesse de diminuer. «Depuis environ cinq ans j’ai remarqué une baisse essentiellement liée, à mon avis, à l’arrivée des commerces sur le boul. Roland-Therrien et au développement du quartier Longueuil sur le parc», constate Alain Chastellas, chef des opérations au Parc régional de Longueuil.
Par exemple, en 1987, lorsque ce dernier est entré en fonction au Parc régional, la population de cerfs de Virginie était évaluée à une quarantaine de bêtes. Aujourd’hui, si on en compte 30, c’est beau. «Le milieu naturel d’habitation des chevreuils ne cessant de rapetisser, conjugué à une circulation automobile qui augmente expliquent un taux de mortalité important de cervidés.»
M. Chastellas estime le cheptel à quelque 80 bêtes sur l’ensemble du territoire de Longueuil (il y en aurait aussi dans la boisé situé à l’arrière des installations de Pratt & Whitney), en excluant le Boisé Du Tremblay et l’Île Charron.
Surpopulation dans les Îles-de-Boucherville
À l’opposé, les Îles-de-Boucherville sont devenues un véritable refuge pour les cervidés, du moins de la période allant du printemps jusqu’à la fin de l’automne, alors qu’ils réussissent à y trouver encore de la nourriture.
Mais dès que l’hiver s’installe et que la nourriture se fait plus rare dans les îles, plusieurs bêtes traversent le fleuve, une fois qu’il est gelé, pour se rendre à Boucherville. Là, ils y trouvent de quoi se nourrir, en particulier des haies de cèdres se trouvant sur les terrains des résidences en bordure du fleuve et, tout comme à Longueuil, plusieurs bêtes se font également frapper.
Un parc Safari...
La présence des chevreuils à Boucherville est devenue à la fois une véritable attraction et un réel problème. Cette année, il est plus criant car, comme le fleuve a gelé tôt et ensuite dégelé, certains n’ont pu retourner dans les îles, si bien qu’une douzaine de chevreuils ont élu domicile sur les terrains privés et au parc Louis-Hyppolite-Lafontaine. Certes, ils offrent un beau spectacle, ne sont pas farouches et se laissent même nourrir et flatter. C’est un peu comme le parc Safari, mais en milieu urbain…
Ce débordement, de l’avis de plusieurs, devient réellement problématique, tant pour les bêtes que pour les automobilistes. Il n’est pas étonnant qu’il y ait autant d’accidents les impliquant.
Plus de chevreuils au km2 au parc des Îles-de-Boucherville qu’à l’île d’Anticosti
La population de cerfs de Virginie au parc des Îles-de-Boucherville a littéralement explosé au cours des dernières années, au point que c’est devenu carrément problématique, selon certains observateurs. En fait, on retrouve dans ce parc national, en proportion, dix fois plus de cerfs au kilomètre carré de boisé qu’à l’Île d’Anticosti.
Un inventaire aérien effectué en 2007 estimait à 203 le nombre de bêtes se trouvant sur le territoire du parc, à part ceux de l’Île Charon. Mais ce chiffre devrait être supérieur, compte tenu que plusieurs bêtes n’ont pu être comptabilisées. La population ne cesse de croître sur l’archipel, confirme Danielle Chatillon, responsable du service de la conservation et de l’éducation au parc des Îles-de-Boucherville. En 2006, le cheptel était évalué à 193 cerfs, alors qu’en 1983, il n’y en avait aucun.
Cela représente au moins 200 cerfs par km2 de boisé, dans ce parc qui fait 7 km2, précise André Dicaire, du ministère des Ressources naturelles et de la Faune, section aménagement de la faune. Il estime d’ailleurs que c’est beaucoup trop. Selon ce spécialiste, la norme souhaitée se situe entre trois et six cerfs au km2 de boisé.
Nourriture insuffisante
Le problème, c’est que ces chevreuils, qui sont en surabondance, se trouvent dans un parc national situé en milieu urbain; une situation unique au Québec. Ils se promènent et cherchent à sortir des îles pour s’alimenter. Mais les autorités du parc se refusent à les nourrir, comme l’a fait la Ville de Longueuil pour les cerfs du Parc régional, qui avaient pris la mauvaise habitude de s’alimenter à même les haies de cèdres des résidences de la Collectivité Nouvelle.
Le règlement dans les parcs nationaux interdit que l’on nourrisse les animaux sauvages, précise Danielle Chatillon. «Il faut les laisser à leur état naturel.»
Deux ministères qui ne s’entendent pas
Mais au sein même du gouvernement, on retrouve deux ministères qui ne s’entendent pas sur la façon de gérer et de régler ce problème. André Dicaire explique que le ministère des Ressources naturelles et de la Faune tente depuis au moins cinq ans de convaincre les autorités du parc de contrôler le ravage de cerfs. «Il faudrait permettre, durant quelques jours par exemple, une chasse contrôlée avec des chasseurs du ministère, mais l’idée ne passe pas. La viande pourrait être donnée à des banques alimentaires pour personnes
démunies.»
Mme Chatillon confirme que la chasse est interdite dans les parcs nationaux, précisant au passage que le problème de surpopulation est généralisé à l’ensemble du Québec.
Signalons que la chasse est seulement permise à l’extérieur du parc, sur les battures Taillandier, pendant une courte période. D’autres personnes avancent même comme solution que les cerfs soient endormis pour être relocalisés ailleurs, comme cela s’est déjà fait à l’Île d’Orléans et à l’Isle-aux-Coudres.
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