CARIBOUS FORESTIERSLes grands sacrifiés de « l’Erreur boréale »Les scientifiques et la nation crie pressent le gouvernement Marois de préserver le caribou des forêts boréales
Les scientifiques sonnent l’alarme : nos caribous forestiers sont en péril. L’une des causes est la déforestation de la forêt boréale. La nation crie implore le gouvernement de mieux protéger les arbres et d’encadrer l’industrie forestière. Mais les décisions urgentes et difficiles qui s’imposent tardent à venir.Figure emblématique de la forêt boréale et véritable baromètre de la santé des forêts, le caribou forestier n’existera bientôt plus que sur nos pièces de 25 cents.
Si rien n’est fait, leur population partout au Québec pourrait disparaître dès 2027, prévient le biologiste Martin-Hugues St-Laurent.
«Avec les nouvelles informations dont nous disposons, on ne peut plus faire l’autruche», soutient le professeur d’écologie animale de l’Université du Québec à Rimouski.
Cet expert est également coauteur d’une importante étude sur la situation du caribou forestier publiée en septembre 2012. Lorsqu’on lui demande dans quel délai des gestes concrets doivent être posés, celui-ci répond : «Hier!»
Rareté des femelles et des petitsL’étude commandée par la nation crie et le ministère des Ressources naturelles du Québec confirme que le caribou forestier est en déclin. Les chercheurs s’appuient principalement sur deux indicateurs qui ne mentent pas : «Il n’y a pas assez de jeunes caribous qui survivent pour assurer le renouvellement de l’espèce et le taux de survie des femelles adultes est en baisse», explique le biologiste.
Le caribou forestier se nourrit de lichen, il a besoin de vivre dans les forêts matures et fuit le développement. Outre ses prédateurs naturels (l’ours noir et le loup) sa plus grande ennemie est la perturbation induite par l’exploitation minière et forestière.
Depuis 2001, la chasse sportive au caribou est interdite sur le territoire. Seules les communautés autochtones étaient autorisées à chasser les bêtes pour des fins de subsistances. Mais lorsqu’ils ont pris connaissance de l’étude, les représentants de la nation crie étaient sous le choc, rapporte Monsieur St-Laurent.
«Ils ont été frappés en plein front. Ils ont été incroyablement proactifs et on réduit leur chasse. Maintenant, ils se tournent vers le gouvernement et leur disent: à vous de jouer!»
Aucun geste concretLe Grand conseil des Cris demande notamment au gouvernement Marois d’étendre à 13 000 kilomètres carrés la superficie des aires protégées, notamment près du bassin de la rivière Broadback. «Le problème, c’est qu’il n’y a plus assez de forêt pour nourrir à la fois les caribous et une industrie forestière qui a faim», explique Christopher Beck, conseiller en aires protégées et foresterie pour le Grand conseil des Cris.
Plusieurs rencontres ont eu lieu sur la question entre la nation crie et le ministère des Ressources naturelles. «Mais il n’y a pas grand-chose qui se passe», constate Christopher Beck.
Selon Greenpeace, plus de 88 % des forêts publiques du Québec ont été allouées à l’exploitation industrielle et il ne resterait que de 10 % à 15 % de forêt vierge.
«C’est une course contre la montre, il faut protéger ces forêts-là, plaide Nicholas Mainville, directeur de Greenpeace Québec. Ça fait cinq ans que je travaille sur ce dossier, j’ai rencontré cinq différents ministres là-dessus, tous m’ont dit qu’il fallait agir et je n’ai encore rien vu de concret», se désole-t-il.

Article d'Isabelle Maher
Journal de Montréal