CHASSE DU CARIBOU BIENTÔT ÉLIMINÉE AU QUÉBEC À LA DEMANDE DES AUTOCHTONES ?Par André A. Bellemare
publié le lundi 21 mars 2011
Pliant l’échine devant les communautés autochtones signataires de la Convention de la baie James et du Nord-Est québécois — qui réclament depuis longtemps l’arrêt de la chasse sportive du caribou chez nous— le ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF) vient d’adopter des «mesures de précaution transitoires» enclenchant l’élimination progressive et assez rapide de la chasse du caribou dans le nord de la province de Québec.
La chasse sportive du caribou avait déjà été interdite pendant des décennies, durant quelques décennies au milieu du XXe siècle. Elle avait repris au cours des années 1960, pour atteindre le sommet de sa popularité au cours des années 1980. La popularité de cette chasse a cependant décliné durant la dernière décennie pour de multiples raisons, dont le coût exorbitant du transport aérien vers le Nord-du-Québec, puis à cause aussi des tarifs pratiqués par les pourvoiries.
Cette décision de restreindre considérablement la chasse du caribou, annoncée le 25 février dernier par le ministre Serge Simard, délégué à la Faune dans le MRNF, a suscité la colère du monde de la faune, d’où fusent de virulents commentaires. Les porte-parole des «partenaires» du gouvernement dans la gestion de notre patrimoine faunique se plaignent de cette décision «anti-démocratique» parce qu’elle ne refléterait nullement ce que ces partenaires ont recommandé aux autorités lors des consultations durant les réunions des derniers mois des Groupes Faune Régionaux (GFR) et du Groupe Faune National (GFN).
D’ailleurs, les porte-parole du monde de la faune se plaignent du fait que les autorités gouvernementales penchent continuellement en faveur des exigences des autochtones, alors que ces derniers ne constituent que 1% environ de la population du Québec. La décision des autorités ne serait pas scientifiquement fondée, selon les porte-parole des chasseurs Blancs, mais serait plutôt une décision politique pour «acheter la paix» avec les autochtones avant d’entreprendre la réalisation du fameux Plan Nord du gouvernement provincial du premier ministre libéral Jean Charest.
Restrictions pour la chasse du caribou à la baie James et en Radissonnie
(troupeau de la rivière aux Feuilles)Même si le ministère n’a pas encore fait l’inventaire du troupeau de caribous de la rivière aux Feuilles, et même si ce troupeau compte des centaines de milliers de têtes (plus de 300,000), des mesures draconiennes ont été divulguées par le ministre Simard pour réduire considérablement la récolte des caribous de ce troupeau par les chasseurs sportifs Blancs.
Le 25 février dernier, le ministre Simard a annoncé que, dans les zones 22-A et 22-B, la saison de chasse serait coupée de moitié (du 1er décembre au 15 janvier, au lieu du 15 novembre au 15 février). Mais, la semaine dernière, il a compris que ça n’avait aucun bons sens, et il a décidé que la saison serait moins coupée qu’il l’avait d’abord annoncé: cette saison ira donc, en fait, du 15 novembre 2011 au 15 janvier 2012. C’est légèrement plus intelligent, parce qu’il faut quand même prévoir de désengorger le transport et l’accueil des chasseurs dans les pourvoiries… Mais il sera interdit d’abattre des caribous sans bois (alors que les gros mâles ont presque tous perdu leurs bois à ce temps-là… et que seules les petites femelles portent des bois).
Le ministère veut réduire le nombre de femelles reproductrices pour éviter que le troupeau de la rivière aux Feuilles ne devienne trop important pour la capacité de support de l’environnement, comme ce fut le cas pour le troupeau de caribous de la rivière George, plus à l’est, qui est passé d’environ un million à quelque 75,000 en quelques années seulement.
Dans la zone 22-A — la seule accessible exclusivement aux Québécois — le nombre de permis est maintenant réduit de 75%, passant de 2000 à 500. Dans la zone 22-B, le nombre de permis attribués aux pourvoyeurs sera réduit de 25% par rapport au nombre de permis vendus en 2009 (quantité non précisée…). La zone 23 Nord sera subdivisée en 23 Ouest et 23 Est. La chasse aura lieu dans la zone 23 Ouest, où le nombre de permis sera réduit de 25% par rapport au nombre de permis vendus en 2009 (quantité non précisée…). Le 25 février dernier, le ministre Simard avait annoncé que la saison de chasse ne durerait qu’un mois au lieu de trois (du 1er septembre au 1er octobre 2011, au lieu du 1er août au 31 octobre). Mais, la semaine dernière, il a encore changé d’idée dans le cas de la saison de chasse du caribou dans la zone 23-Ouest, sans doute parce qu’il a compris… tardivement… que sa première décision n’avait pas de bon sens: donc, la saison ira du 15 août au 2 octobre 2011. il n’est plus question de la chasse allant du 15 février au 15 avril.
Mais, pour 2012-2013, la totalité des mesures draconiennes annoncées plus haut pourraient être encore «révisées», selon le ministre Serge Simard! Il serait surprenant que la révision soit permissive… Vous devez vous attendre à ce qu’elle soit restrictive, et à ce qu’elle ressemble plus aux décisions annoncées le 25 février dernier!
Un chasseur ne pourra plus chasser dans plus d’une zone provinciale de chasse et la limite des prises annuelles sera de deux caribous par chasseur par année. Ce qui signifie que les chasseurs qui gagnaient des permis pour aller chasser dans la zone provinciale 22-A (la Radissonnie du côté de la baie James, à l’ouest de la rivière La Grande), ne pourront plus traverser le pont Polaris enjambant la rivière La Grande pour aller récolter deux autres caribous chez les pourvoyeurs établis plus à l’est, avant de revenir dans le sud du Québec (environ 26 à 28 heures de conduite sans arrêt dans chaque sens par voie de terre!...).
Des chasseurs de caribou qui en avaient le temps et les moyens pécuniaires pouvaient, jusqu’à maintenant, chasser dans différentes zones provinciales pour rapporter à la maison chacun huit caribous par année.
Aussi bien dire que le ministre Serge Simard cherche à décourager les chasseurs sportifs québécois de pratiquer la chasse du caribou par voie terrestre durant l’hiver en organisant des expéditions en Radissonnie… pour laisser toute la place aux autochtones. Aussi bien dire aussi que le MRNF accule des pourvoiries à la faillite… Car la clientèle des pourvoiries, bien souvent composée de chasseurs provenant de l’étranger, a diminué de beaucoup durant les dernières années: à cause de la situation économique désastreuse aux États-Unis, à cause de l’Accroissement de la valeur du dollar canadien, à cause de la menace terroriste constante dans les aéroports et dans les avions, à cause de la réduction du nombre des caribous en migration dans le Nord-du-Québec, puis à cause de la transmission de plus en plus de maladies chez les caribous.
Mais, comme le ministre Serge Simard se plaît à le répéter, le caribou est très important pour les autochtones, car il constitue pour eux une valeur culturelle, économique et alimentaire. En fait, ce beau discours du ministre cache la réalité: le gouvernement provincial du Québec veut à tout prix «acheter la paix» avec les bandes d’autochtones du Nord-du-Québec avant la réalisation du Plan Nord. Autant les porte-parole des chasseurs que ceux des pourvoyeurs soulignent que la décision de Simard n’a pas fondement scientifique, et qu’elle a été prise de façon antidémocratique pour plier, encore une fois, devant les exigences des autochtones, tout en donnant l’impression au grand public non concerné que le ministre pose un geste de conservation.
Restrictions aussi pour la chasse du caribou du côté de la baie d’Ungava
(troupeau de la rivière George)Et ce n’est pas fini: Simard nous a fait savoir, durant les dernières heures de l’après-midi de vendredi dernier, que des restrictions draconniennes étaient aussi imposées concernant la chasse des caribous du troupeau de la rivière George, du côté de la baie d’Ungava et du Labrador…
Voici donc, en vrac, la listes des mesures sévères adoptées pour la «saison» 2011-2012, dans le cas de ce troupeau-là, par le ministre Serge Simard, responsable de la Faune au MRNF:
— réduction de 50% du nombre de permis vendus par les pourvoyeurs par comparaison à 2009 (quantité non précisée…)
— subdivision de la zone provinciale de chasse nº23 en 23-Ouest et 23-Est, afin de gérer distinctement le troupeau de caribous de la rivière George et celui de la rivière aux Feuilles
— fermeture de la chasse dans la partie sud de la zone 23
— restriction de la chasse sportive dans la zone 24 aux pourvoiries existant déjà dans cette zone-là
— dans la zone 23-Est, réduction de la période de chasse (qui va actuellement du 1er août au 31 octobre) à une période s’étendant du 15 août au 2 octobre 2011.
— il est actuellement prévu d’interdire en 2012-2013 la chasse du caribou dans la zone 23-Est et dans la zone 24, tout dépendant des données biologiques recueillies en 2011-2012.
Tirage de permis de chasse du caribou dans la 22-ALe ministre Serge Simard a quand même donné ordre à la Société des établissements de plein air du Québec (SÉPAQ) d’organiser un tirage au sort informatisé de permis pour chasser le caribou durant l’hiver 2011-2012 dans la zone 22-A (Radissonnie, du côté de la baie James, à l’ouest de la rivière La Grande). Il faut se souvenir que la SÉPAQ dépend du MRNF, et que c’est le ministère qui donne ses ordres à la société d’État: la SÉPAQ doit trouver le moyen d’appliquer les ordres du ministère…
Je vous rappelle que le ministre a réduit de 75% le nombre de permis à faire tirer: ce nombre de permis passe de 2000 à 500, puisqu’il n’y aura que 250 gagnants qui obtiendront chacun deux permis (un pour le chasseur et un pour son compagnon).
Les chasseurs ont jusqu’au 30 avril pour s’inscrire au tirage de ces 500 permis. Les gagnants n’auront plus le droit d’aller ensuite chasser dans des pourvoiries établies dans la zone 22-B, plus à l’est... Dans la plupart des cas, ce qui motivait les chasseurs québécois d’accomplir ce très long voyage par voie terrestre jusqu’en Radissonnie, c’était la possibilité de raaporter à la maison chacun quatre caribous.
La saison de chasse ira du 15 novembre 2011 au 15 janvier 2012. Il sera interdit d’abattre des caribous sans bois. Pour vous inscrire (8$, taxes incluses):
www.sepaq.com/tirages
Oui, il est encore question du caribou, mais ça achève, bientôt on en parlera au passé, il n’y aura probablement plus de chasse au caribou, à moins qu’on change de dirigeants politiques mais il reste peu d’espoir. Les mesures transitoires du MRNF nous insensibilisent lentement mais surement pour accepter les décisions à venir pour la chasse 2012-13.
Le Comité conjoint de chasse, de pêche et de piégeage existe depuis 1976, donc 25 ans ; il a été créé dans le cadre de la convention de la Baie-James ;
C’est lui qui fait les recommandations au MRNF concernant la gestion de la faune dans le Nord du Québec ;
Il est composé à 50% de fonctionnaires fédéraux et québécois et à 50% des représentants des différentes nations autochtones ;
En cas de vote 50-50, il était prévu que le vote du représentant du MRNF (Denis Vandal) serait décisionnel jusqu’en avril 2011 ; après le vote décisif sera entre les mains des autochtones ;
Donc les représentants des autochtones conseillés par leurs avocats québécois, revendiquent le plein contrôle du Nord, ce qui leur ouvre la porte à avoir le dernier mot sur tout le développement.
Jean Charest vient d’imaginer une façon de passer à l’histoire, un peu comme Robert Bourassa avec le développement hydro-électrique en annonçant son PLAN-NORD, avec un budget de 500 millions pour développer le Nord. Au lieu de négocier, il présente son projet à genoux devant les représentants des autochtones, en commençant par plier devant leur demande de fermer la chasse aux caribous sauf pour les autochtones même s’il n’y a aucune logique dans cette demande strictement politique. Évidemment il présente la décision sous l’angle de la conservation et du bon indien qui sait comment préserver la faune et sa culture, ce que bon nombre de québécois sont prêts à accepter comme des évidences, face aux chasseurs qui ne sont perçus que comme des envahisseurs de la forêt et dont la nature pourrait se passer.