La sécurité dans la ligne de mire du Parti libéral
Denis Lessard
La Presse
Boucherville
Réélu, le gouvernement Charest sera plus ferme sur les questions de sécurité. Les amateurs d'armes semi-automatiques devront laisser leurs jouets à leur club de tir; Québec compte imposer un contrôle très sévère au transport des armes qui ne servent pas à la chasse.
«Les gens veulent qu'on soit plus ferme sur les questions de sécurité. On le sent», expliquer Jean Charest dans une entrevue accordée à La Presse à bord de son autobus de tournée électorale. Deux anciens policiers connus, Guy Ouellette et Yves Prudhomme sont d'ailleurs devenus candidats du PLQ, dans Chomedey et Rousseau, en fin de semaine.
Le PLQ deviendra-t-il le gouvernement de «la loi et de l'ordre»?
M. Charest se contente de sourire. «La sécurité, insiste-t-il, est un enjeu important. La situation a évolué, les gens ont une préoccupation légitime.» Sur les questions de libération conditionnelle, sert-il comme exemple, les gens sont plus exigeants, moins indulgents qu'il y a 20 ans.
«La société s'attend à ce qu'on agisse avec plus de fermeté. Ce n'est pas que les Québécois se sentent plus menacés, mais ils veulent sentir, avec raison que le gouvernement place la sécurité en haut des priorités», estime M. Charest.
Un exemple récent : dans le débat sur les accommodements raisonnables, les Québécois approuvaient sans hésiter qu'une femme policière puisse intervenir auprès d'un prévenu, même de confession juive hassidique. «Pour eux, la sécurité ne doit pas être subordonnée à autre chose», résume-t-il.
La population est aussi bien plus sensible aux obligations de l'État envers les victimes, envers les femmes notamment; «cela a évolué en 20 ans et avec raison», observe le chef du PLQ.
Avec des électeurs qui souhaitent davantage de protection, un meilleur contrôle des armes tombe sous le sens. Surtout au moment où le gouvernement Harper choisit la voie inverse et propose d'assouplir son registre des armes à feu.
Or la propagation des armes, souvent associée au crime organisée, est préoccupante.
Même comme équipement de sport, pour pratiquer le tir, la possession d'armes doit être davantage encadrée. «On est préoccupé par ça; l'expérience de Dawson a été pénible, ça m'a bouleversé», dira le chef libéral.
Après la fusillade de septembre 2006 où 20 personnes ont été blessées, dont une est décédée, plusieurs groupes au Québec comme ailleurs au pays ont réclamé d'Ottawa des contrôles plus serrés pour ces armes très dangereuses. Kimveer Gill s'était servi d'une carabine Beretta semi-automatique de 9 millimètres, arrivée sur le marché canadien deux ans auparavant.
En pratique, la question du contrôle des armes à feu - qui relèvent du Code criminel - est de compétence fédérale. Le gouvernement Harper attend toujours l'adoption de son projet de loi destiné à assouplir les contraintes du registre des armes à feu - en épargnant par exemple les armes de chasse de tout contrôle.
Pour Jean Charest, c'est une mauvaise idée. «On ne doit pas retourner en arrière, je ne veux pas qu'on retourne là-dessus. Je veux que les Québécois puissent avoir leur mot à dire sur le contrôle de ces armes ici».
Si Ottawa va de l'avant et réduit comme prévu la portée de son registre, Québec «va proposer une alternative; on interviendra sur le transport des armes, par le biais de la sécurité; cela nous permettra d'avoir un contrôle effectif dans le cadre de nos compétences», explique-t-il.
La Sûreté du Québec sera chargée d'appliquer la législation que les libéraux s'engageront à déposer plus tard en campagne électorale. Même si le projet de loi de Stephen Harper mourrait au feuilleton, le gouvernement «examinera la possibilité de pousser les contrôles plus loin», promet M. Charest.
Québec serrerait la vis d'un cran en obligeant les amateurs à acheter ces armes semi-automatiques par la voie de leurs clubs de tir. Une fois achetée, l'arme devrait y rester, l'entreposage serait la responsabilité du club. «L'arme ne pourrait plus être déplacée, en vertu de notre droit constitutionnel à nous», explique M. Charest.
Une autre porte s'ouvre aussi selon lui : négocier avec Ottawa la délégation de la responsabilité du contrôle des armes sur le territoire québécois. «On n'est pas rendu là, le gouvernement fédéral est minoritaire, mais cela ne doit pas empêcher de nous préparer». Pas question de «pointure unique», si le fédéralisme d'ouverture proposé par M. Harper est réel.
Jean Charest évite d'écorcher Stephen Harper dans le dossier des armes à feu. «C'est une promesse qu'il a prise en campagne électorale, il a mis ça dans son programme et respecte selon lui ses engagements. Mais le Québec n'est pas d'accord», prévient-il.
Les armes utilisées par Kimveer Gill en septembre étaient toutes enregistrées, comme le prescrit la loi fédérale actuelle. Or cela n'a pas empêché le jeune Lavallois - qui disposait d'une véritable artillerie dans son sous-sol - de se rendre armé jusqu'aux dents au collège Dawson.
Plus tard M. Charest devait assister à Saint-Roch de l'Achigan, à l'assemblée d'investiture de Yves Prudhomme, l'ancien président de la Fraternité des policiers - le syndicat des agents de la SQ - qui devient candidat libéral dans Rousseau, un château fort péquiste. Dimanche dernier, il s'était rendu à Laval, pour accueillir un autre policier dans les rangs des candidats libéraux, Guy Ouellette, retraité de la SQ, analyste bien connu par les médias sur les questions touchant les gangs de motards.
Dans le budget Audet, la semaine dernière, Québec prévoyait 34 millions de plus pour la lutte aux gangs de rue. Le contrôle plus serré des armes par la SQ ne nécessitera pas davantage de fonds, selon M. Charest.
La SQ rencontre les clubs de tir du Québec à compter de jeudi cette semaine pour mettre en application ces mesures. La seul façon de s'assurer qu'elles ne seront pas appliquées est de voter contre le parti libéral du Québec au prochaines élections. Le gouvernement provincial a le pouvoir de décider des lois aux niveau du transport des armes àa utilisations restreintes. Il l'a également pour décider quelles armes peuvent être utilisées pour la chasse. Après avoir rendu la possession d'armes semi-automatique à utilisation restreinte impossible, ils pourront les interdire pour la chasse. Donc adieu à votre 12 semi pour la chasse au canard ou votre Browning pour la chasse à l'orignal.
Vous pouvez faire une différence, votez contre les Libéraux.
|