Si parfois nous sommes maîtres de notre destin en situation de chasse, ou du moins, pensons l'être, il s'avère que d'autres fois il en est tout autrement et tout devient une question de chance et de « timming ». Du moins, le pensons-nous.
Cette année, est l'une des années difficiles que j'ai vécu, j'en ai connu de bien pires mais somme toute, ça en n'était pas une facile. Après 2 semaines d'appâtage et de faux grattages, seuls un daguet de 1.5 an et un 4 pointes de vraisemblablement 2.5 ans avaient été photographiés sporadiquement et presque exclusivement de nuit. Bien sûr que quelques femelles et veaux eux aussi avaient visité le secteur, mais eux aussi étaient très nocturnes. Après cette constatation le premier samedi matin, les couleurs de l'ouverture de la saison avaient perdues leurs lustres et tout d'un coup l'ouverture était beaucoup moins attrayante qu'avant le départ de ma résidence. Qui plus est, la hâte de chasser mon gibier fétiche laissait un arrière goût d'amertume et de frustration. Même si j'en avais vu d'autre, je ne pouvais cacher ma déception.
Une première fin de semaine avec un vent à l'envers, un seul site appâté, accompagné de mon garçon et une pluie interminable, nous n'avons pas eu la chance de voir un des 2 jeunes mâles qui aurait su satisfaire l'initiation de mon fils. Mon fils et moi avons plutôt contribué à rendre les cerfs encore plus nocturnes pour les jours suivants. Je souhaitais que mon garçon ait une belle expérience, mais la nature ne se soumet pas toujours à nos quatre volontés. Nous avons quand même pu observer quelques femelles et veaux ensemble et mon fils m'a dit : « C'est la première fois que j'en vois d'aussi près dans la nature ». En effet, ceux-ci s'approchaient parfois aux appâts situés à environ 70-75 pieds de nous avant de déceler l'anomalie que nous étions à cause du vent non coopératif. Le trajet du retour vers la maison était meublé de questionnements, de déceptions certes, mais aussi de stratégies, d'analyses et d'espoirs.
Après une semaine de travail au bureau à rêvasser et à espérer l'arriver d'un mature dans mon coin, je me dépêchais à retourner sur les lieux dès vendredi matin, pour un petit week-end prolongé par un lundi et mardi de congé. En cours de route, ma remorque arrimée à mon VUS, je constatais que des lumières bleues et rouges me suivaient. Et bien oui, deux véhicules de police m'interpellèrent car semble-t-il que les lumières sur ma remorque refusaient de coopérer. Après vérifications d'usage, discussions, comme je allais dans un rang, qu'il faisait jour et que mes lumières de mon VUS étaient visibles de derrière ma remorque, le policier accepta de me laisser aller à la chasse en prenant soins de me mentionner de corriger le problème promptement et que l'avertissement avait été entrée dans le système... Si la nature n'avait pas été compréhensive avec mon fils et moi la fin de semaine dernière, il s'avérait que cette fois-ci la police m'avait accordé un vilain coup de pouce. D'ailleurs, je tiens vraiment à remercier ce policier du fond du coeur. Je ne sais pas si ce policier est un chasseur mais si c'est le cas, je lui en souhaite un gros.
Arrivé enfin sur place : « viiiittte », la démangeaison dans mon esprit était presque qu'insupportable. Il fallait que j'aille ramasser mes cartes de caméra, vérifier mes faux grattages et inspecter les signes. Une analyse s'imposait : des traces peu convaincantes dans mes faux grattages, aucun frottage aperçu pendant mon inspection, mais il y avait la présence d'une trace qui se démarquait. Elle était large, elle était longue, elle était plus enfoncée dans le sol que les autres. Était-ce un signe suffisant ? Elle était vraiment grosse et normalement, c'est le genre de trace que je vois quand un mâle de 3.5 ans et plus visite le secteur. Toujours pas de nouveaux mâles sur les cartes de caméras, les deux petits mâles de la semaine dernière étaient revenus exclusivement de nuit. Malgré cela, je demeurais persuadé qu'un gros mâle avait croisé le secteur et je me trouvais des raisons du pourquoi je ne l'avais pas sur caméra : « Il a peut-être juste passé après qu'une femelle ait passé juste avant et le délai des caméras font en sorte que, les batteries s'en venaient faibles... ». Je demeurais stoïque dans mon esprit que cette trace, cette imposante empreinte ne venait pas dans le secteur auparavant. Par la suite, après la vérification des cartes à mon chum à quelques lieux de là, il avait posé un nouveau buck intéressant correspondant au poids que j'estime de la trace...Est-ce le même ? Si lui en avait un nouveau, pourquoi pas moi ?
Le lendemain, la même grosse trace avait repassé ! J'avais changé les piles la veille. « là je l'ai en photo c'est sur ! » me disais-je. Et bien oui, voici le seul individu susceptible d'avoir laissé cette trace au sol. Regarder comment cette femelle a le corps rectangle et combien elle a le corps épais. Une belle grosse madame ça.
Oh le vilain coup de bâton, le découragement commençait à prendre une place prenante dans mon attitude. Je savais très bien que mon partenaire s'en rendait compte. Mon ami de toujours avec qui je chasse, possédait deux sites appâtés. M'ayant laissé comprendre que l'un deux serait abandonné pour le reste de la saison par manque de potentiel et sachant qu'il y avait vu de jeunes daguets, je lui ai demandé s'il accepterait que j'aille à son spot ce soir là pendant que lui chasserait son autre site plus chaud. Il a accepté. Même si le potentiel de mâles aux critères que je m'impose généralement était absent, aller à un autre endroit me changerait le mal de place comme on dit. Que j'ai été content de voir ce daguet, mes premières cornes de l'automne ! Enfin ! Il était temps !
Il va de soit que je l'ai regardé dans le télescope et que je l'ai admiré en le remerciant de sa présence. Et paf ! Tout d'un coup, comme ça, j'avais un sourire au lèvre et j'étais redevenu joyeux. L'espace d'un instant je profitais de la situation. Il avait environ 3 pouces de panache et un poids que j'estime à difficilement plus de 100 lbs éviscéré, mais il ne m'en fallait pas d'avantage pour me remettre dans le tempo.
Le lendemain matin, toujours en espérant voir de nouveaux signes, je retournais chasser et visiter mon secteur. Après ma séance, l'inspection est de mise. Toujours rien de visible à l'oeil. De retour au camp, l'observation de mes cartes de caméras s'imposait. Ah ben ça parle au maudit, pendant que je souriais à observer le daguet hier, ce 8 pointes que j'avais photographié à quelques reprises de nuit à mon site à l'arc à quelques 2000 pieds de distance de mon secteur à la carabine, était venu pour la première fois et directe aux appâts en plus, comme pour me narguer d'avoir déserté le secteur.
Ah ben là c'est le boute du boute !
Inutile de vous parler de la loi non-écrite du 3 jours... Cet après-midi là, il était impératif que j'aille à cet endroit. Mes chances de récolter ce mâle était plus que probable. Mon partenaire était du même avis. Parlant de mon partenaire, je me dois d'introduire cet aparté : Le buck dont il est question, lui l'a laissé passé à 2 reprises pour avoir un plus âgé. Nous en avions discuté, comme notre chasse respective ne se déroulait pas comme prévue, comme la plupart du temps, nous avons ensemble établi que la prochaine fois il ne passerait pas, de son côté comme du miens.
Je fonctionne énormément en comptabilisant les statistiques. Ce n'est pas LE critère, mais ça pèse dans la balance de mes dilemmes. Quand j'ai eu une occasion pareille, je ne pouvais pas la manquer. La règle du 3 jours étant l'une des exceptions qui bouscule tout évidemment. En place depuis un temps, accompagnée de 2 veaux, une femelle arpente le pourtour des appâts. Un peu somnolent, j'entrevois arriver un panache, pas un chevreuil, un panache ! Quand c'est le panache que tu vois en premier... Il vient de commettre l'erreur. Je l'observe s'approcher tandis que la femelle s'esquisse en douce. Comme il est beau, en un instant, il se situe parfaitement de côté à 75 pieds de distance. La croix le caresse et sans avertissement, sans même m'en rendre compte, le projectile l'a frappé de plein fouet. Quelques minutes plus tard, je le retrouverai à envrion 100-120 pieds de distance, happé mortellement ayant la moitié droite de son cœur désintégrée.
Rétrospective et conclusion
Est-ce que j'ai récolté grâce à mes faux grattages ? Est-ce que j'ai récolté grâce aux odeurs que je répands lors de mes visites? Est-ce que j'ai récolté par rattling, grunt etc ? Aucun des efforts ne peut à lui seul justifier ma récolte. Toutefois, plusieurs efforts ont contribué de façon significative, j'ai travaillé d'avantage au bureau pour me permettre ces congés en début de semaine, j'ai perduré à chasser malgré l'absence de mâle et à ne pas retourner travailler, j'ai finalement fait un tire de qualité pour ne nommer que ceux là. La conclusion est d'une simplicité élémentaire annoncerait Sherlock Holmes. Il y a des années où les efforts difficiles sont plus nécessaires que d'autres. Peu importe les efforts qu'on met, peu importe lequel ou lesquels ont fonctionné, l'important c'est de retenir que la somme des efforts fini par payer. Chaque crochet dans la colonne des « plus » fini par faire pencher la balance.
À la prochaine les crinqués !