En 2004, Dominic Imbeau, chroniqueur de chevreuil.net a eu la gentillesse de m’inviter une semaine dans son beau coin de pays à chasser le cerf de Virginie. D’entrée de jeu, je dois vous dire que je suis revenu bredouille côté chasse mais j’ai vécu une semaine inoubliable. Pour moi, une saison de chasse ne se résume pas à la récolte. La chasse permet de remplir le bagage d’expériences et les découvertes que nous offrent certaines rencontres sont parfois plus enrichissantes que la récolte d’un cerf.
Samedi
Départ de Montréal vers Calgary et transfert pour Edmonton où Dominic vient me chercher pour se rendre à Cold Lake. La route est longue mais je me sens choyé de vivre une semaine de chasse en Alberta. Mes amis et mes frères, à qui j’ai parlé de ce voyage, m’ont tous trouvé chanceux de pouvoir bénéficier d’une telle occasion. Chacun m’a demandé s’il n’y avait pas une petite place dans mes bagages. Deuxième fois que Dominic et moi nous nous rencontrons et cette semaine-là nous a permis de faire plus amples connaissances. Vous vous doutez bien que nous avons parlé de chevreuil.net mais surtout de chasse.
En route vers le domicile de Dominic, nous avons aperçu quelques coyotes dans les champs. Dominic s’est empressé de sortir son pétoire à coyote, mais ils étaient loin et le vent faisait en sorte que les tirs étaient difficiles.
Bien que je savais que l’Alberta est une région plane, il est quand même surprenant de constater comment ce pays est constitué de si grands champs à perte de vue et de boisés. Chez Dominic, sa famille m’a bien accueilli et j’aurais bien voulu avoir une plus grande connaissance de l’anglais pour leur dire comment j’ai apprécié être là parmi eux.
Dimanche
Dominic et son copain Stéphane m’invitent à leur « spot » de chasse en Saskatchewan. Environ 1 h 30 de route pour s’y rendre. La remorque est chargée de deux VTT et d’une petite remorque pour apporter la bouffe aux destinataires choyés. Il faut indiquer que contrairement à l’Alberta, il est possible d’appâter. La bouffe est composée de balles de luzerne et de poches de moulée protéinée (recette spéciale à 18 % de protéines). Le voyage commence bien ! Le bruit du moteur du VTT est un bon « call » à chevreuil. Peu après avoir déposé la table d’hôte, un beau huit pointes se positionne à table. Étonnant ! Quand je pense que nous nous trouvons chanceux d’apercevoir une femelle à notre site d’appâtage au Québec et là un beau huit pointes s’y présente.
Dominic a le goût de faire le clown et s’approche du « buck » en faisant des pirouettes et des facéties. Dom, s’approche à moins de 30 mètres de « monsieur » sans que des signes de crainte ne se manifestent.
Deuxième « spot », même scénario. Un autre « buck » se présente sans épouvante. Étonnant n’est pas le mot et ce n’est pas une farce. Pouvez-vous vous imaginer l’état d’esprit dans lequel je suis. La chasse sera-t-elle facile en Alberta ? Les frottages et les grattages sont nombreux aux sites d’appâtage. J’ai de quoi faire de beaux rêves avant que la chasse ne débute lundi.
Nous avons profité des dernières heures d’ensoleillement pour s’assurer de l’ajustement de mon télescope. Nous sommes allés tirer dans un « pit » de sable et effectuer les ajustements requis.
Lundi
Dominic et moi partons au site qu’il a prévu pour nos premières journées de chasse. La terre est actuellement exploitée par des industries forestières. Dans les sections visées, ce sont des coupes intégrales. Je pense à Richard Desjardins avec l’aurore boréale. La terre est grande et les secteurs boisés sont suffisamment grands pour imaginer que le territoire a du potentiel. La forêt est différente de celle du Québec. Pas de chênes, ni de hêtres, aucuns cèdres… bref ce serait plus facile de vous énumérer les essences qu’on y retrouve; des épinettes, des peupliers et des bouleaux. Voilà ! Les boisés sont juxtaposés à des champs qui procurent de la nourriture en quantité aux chevreuils .
Dominic m’invite à explorer ce territoire parce qu’il l’appelle les «cut lines» ; des lignes de coupe d’environ dix mètres divisent les boisés. Plusieurs frottages sont présents. Dominic me fait une démonstration de « grunt call » sans appeau. Un chevreuil se présente à moins de vingt mètres de nous. Je n’ai pas eu la chance de pouvoir l’identifier. Au son, Dominic est certain qu’il s’agit d’un « buck » qui arrive au pas bien déterminé. Je n’ai vu que le « fly » qui me dit bienvenue chez nous !
La prospection se poursuit et Dominic me fait découvrir un de ses territoires.
Mardi
Nous nous rendons à notre secteur de chasse et nous déterminons une heure de rencontre pour le dîner. J’ai décidé d’explorer davantage le territoire. Ma plus grande surprise est d’apercevoir un nombre impressionnant de signes de présence de « bucks » dans ce secteur. Les frottages ne sont pas seulement nombreux mais ils sont impressionnants . Tout est bien sûr relatif, mais mon jugement se fait en fonction des territoires que j’ai fréquentés ces dernières années. Quant aux grattages, j’en ai vus qui font deux fois la longueur de ma 30-06. Voir trois ou quatre grattages en ligne sur environ 100 mètres n’est pas rare. J’ai observé quelques femelles mais pas le « buck » tant convoité.
Au dîner, Dom me fait part de ses observations. Un six pointes, un huit pointes et quelques femelles. Il me conseille d’aller dans ce secteur demain. L’après-midi se passe pour moi comme l’avant-midi, une exploration du territoire enchanté.
Mercredi
Je décide de prendre une « cut line » dans la direction où Dom m’a indiquée qu’il a vu de l’action la veille. Deux femelles croisent la « cut line » à environ 200 mètres de moi. Une fois qu’elles ont quitté mon champ d’observation, je décide de me rendre à l’endroit qu’elles ont traversé. Une zone de transition qui délimite deux sortes de boisés dont un boisé principalement rempli de conifères et un autre plus ouvert qui est composé de peupliers et de bouleaux. Un peu de neige encore au sol, surtout à l’ombre, et ça sonne comme des corn flakes lorsque je marche. La chasse fine peut être compromise !
Plusieurs frottages dans cette zone de transition et le passage de deux femelles m’incitent à rester à l’affût pour l’après-midi. Vers 14 h, j’entends du bruit dans le bois... Un beau huit pointes se présente le nez au sol à moins de 30 mètres de moi. Je le vois qui se dirige vers la zone de frottage que j’ai aperçue plus tôt. Je le mire dans mon télescope et ma décision est instantanée… il a la vie sauve. Quelques secondes plus tard, il m’aperçoit et me renifle pendant quelques secondes et décide qu’il en avait assez vu. Aucun remord ne m’envahit, bien que ce soit le plus gros chevreuil que je n’ai jamais aperçu dans le bois et avec une capacité de tir franc. Ma journée était remplie.
Jeudi
Dominic désire faire de la prospection et visiter d’autres territoires. Sur le chemin, nous observons très tôt les bordures de certains champs. Dom mentionne que le potentiel de ce secteur est prometteur. Quelques minutes plus tard, un camion recule et le jeune conducteur, avec une main bien étendue sur chaque oreille, nous signale qu’il a aperçu un « GROS buck » traversant le champ. Nous reculons de quelques mètres pour le rejoindre. Dom sort du véhicule et la conversation s’en suit. Le jeune en question indique à Dominic qu’il s’agit d’un monstre et que malheureusement il doit aller à l’école. Effectivement, le secteur semble des plus prometteurs.
Vendredi
Nous retournons tôt le matin pour voir si le fameux monstre fera un retour dans le secteur. Sur la route, nous apercevons trois petits « bucks » et quelques femelles. Le monstre est probablement entrain d’explorer le territoire à la recherche de femelles. Il ne nous a pas attendu. Le jeune repasse avec son camion et nous faisons plus ample connaissance. Il s’agit de Jessie Mac Eachern et il nous invite à prendre un café chez lui.
Il nous présente sa sœur et ses parents qui nous offrent un déjeuner aux saucisses de bison et un bon café. Jessie se fait une joie de nous montrer ses trouvailles. Des panaches qu’il a récoltés ces dernières années ou qu’il a trouvés. Les panaches sont impressionnants et il accepte que je les photographie afin de partager ces photos avec les membres de chevreuil.net (cliquez ici ). Regardez ces panaches, ce sont de beaux « bucks » de l’Alberta. Pas des monstres mais de beaux chevreuils que nous retrouvons rarement chez nous. Imaginez un instant que Jessie a trouvé un certain nombre de ces panaches sur leur terre ou à moins de deux kilomètres de chez lui.
Les parents de Jessie nous invitent ensuite à visiter une parcelle de terre qu’ils possèdent pour l’élevage du bison (500 âcres). On prend quelques minutes pour y faire un tour et nous ne sommes pas déçus. Nous avons eu le privilège de voir deux bisons se frotter les cornes; c’est une petite bataille de « bucks » (vidéo3).
Il ne me reste que quelques heures de chasse et il est temps de reprendre le bois. Aucun gros « buck » ne s’est présenté à mon télescope. Quelques femelles sont venues me dire bonjour et ce « buck » m’a souhaité de revenir le voir l’an prochain. (vidéo4)
Qu’en est-il exactement de ce coin de pays qui accueille de si beaux « bucks ». Dominic m’explique que le QDM s’applique plus naturellement en Alberta qu’au Québec. Chez lui, les petits, ils les laissent passer. De plus, la pression de chasse est moindre qu’au Québec ce qui fait que les « bucks » ont la chance d’atteindre leur maturité. La génétique y est aussi pour quelque chose. L’environnement doit aussi être un des facteurs, ce qui fait que les raisons sont multiples. Nul doute que si nous étions plus sélectifs au niveau de la récolte au Québec, nous aurions possiblement une qualité de chasse différente.
Samedi
De retour au Québec, je raconte à mon épouse et à mes amis les beaux moments de ce voyage. Le fameux huit pointes commence à faire des folies dans ma tête et je vois fréquemment son panache qui semble me narguer. La température douce ne nous a pas été favorable en ce qui concerne la chasse.
Qui a dit qu’un gros « buck « est synonyme d’une bonne saison de chasse ? Il y a tellement d’autres choses à connaître.
La multitude des frottages et grattages que j’ai observée en Alberta détonne avec ce que j’ai pu observer ces dernières années dans les secteurs que j’ai fréquentés au Québec.
Remerciements
Je tiens à remercier sincèrement Dominic, son épouse Charmaine, leurs filles Reily et Mara de leur accueil et du plaisir que j’ai eu à les connaître durant cette semaine qui restera gravée dans mes meilleurs souvenirs de chasse. Les Albertains sont très sympathiques et chaleureux. Durant cette semaine, Dominic n’a jamais hésité à répondre à mes multiples questions concernant le cerf de Virginie et à la balistique. J’ai eu droit à un cours privé dont je me souviendrai longtemps. Il ne m’avait jamais raconté qu’il a fait ses études universitaires comme biologiste à l’Université Laval. Ses expériences sur le terrain sont nombreuses et il réussit très bien à associer la théorie à la pratique. Il y a de ces rencontres qui nous réservent d’agréables surprises !
Autres observations
Je pense aux groupes de chasseurs québécois qui tentent de vendre les principes du QDM, ses vertus et les efforts que cela demande et je les remercie. Nous avons tous un impact sur notre environnement et cela peut commencer aussi simplement que par la pression que nous exerçons sur la gâchette, comme le dit si bien Shawn Bevins. Le choix nous appartient, il ne nous reste qu’à le mettre en pratique.
Il me reste une fin de semaine de chasse à la poudre noire où je tenterai de récolter une femelle. De quoi, enjoliver de bons soupers entre amis et parler de chasse en attendant la prochaine saison.
La saison de chasse 2004 se termine dans quelques jours alors j’espère que vous avez pu en profiter et je vous souhaite une bonne préparation de chasse 2005. Commencez dès maintenant votre prospection !
Pierre Chabot
Le 23 novembre 2004