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Qui ne va pas à la chasse perd sa place !

Les chroniques du vieux mirador


Qui ne va pas à la chasse perd sa place !

D'entrée de jeux, je vous avouerai que de parler de ces années passées qui ont façonné l'homme certes, mais surtout le chasseur que suis devenue aujourd'hui, me tire immanquablement quelques larmes et de nombreux soupirs de nostalgie. Ses souvenirs d'expériences et de moments plus extraordinaires les uns que les autres ont façonné celui qui en ce moment pianote toute ces touches assis derrière son clavier. Voici l'un de ces moments particuliers qui encore à ce jour, demeure l'un des plus précieux à mes yeux.

Un peu avant la fin du siècle dernier…Hehehe ! Ça nous rajeunie pas dit de cette façon n'est-ce pas ? Alors, plutôt à la fin des années 70, mon paternel avait fait l'acquisition, en copropriété avec son frère et sa sœur, d'un lopin de terre d'une superficie de 91 acres dans la municipalité de Bulwer en Estrie. Cet endroit avait été très rapidement surnommé « la ferme ». Cette appellation venait du fait que l'endroit en question comptait une vielle grange, une petite grainerie et une toute petite étable attenant à un grand garage ou était entreposé notre fameux tracteur Oliver 500, la vielle wagon et différents gréements oratoires. L'emplacement avait, par le passé, accueilli quelques animaux à bœuf ainsi que le fameux "Prince", un demi-cheval qui était venu avec l'achat de cette terre. Mon père ainsi que mon oncle avaient transformé la petite étable en camp de chasse des plus rustiques. Un vieux tapis défraichi de couleur rouge vin recouvrait le plancher, 2 ou 3 grosses chaises bien rembourrées y étaient installées et la truie de fonte noir trônait sur son socle à l'autre bout de la pièce. Lorsque je décris cet endroit je vous jure, vrai comme je suis, j'ai des odeurs très spécifiques qui me viennent en tête : vieux grain fermenté, humidité, l'effluve métallique des vieux outils accrochés au mur. L'odeur particulière du feu dans ce vieux poêle lors des premières attisées de l'automne. Plus tard, beaucoup plus tard, mon père, son frère ainsi que sa sœur, avaient décidé d'un commun accord, de faire construire une maison. Cette petite étable avait alors perdu son privilège de lieu de rencontre singulier qui avait fait longtemps son charme.

Rapidement, moi et mes frères, nous nous étions mis à la chasse au petit gibier accompagnant mon père ainsi que mon oncle Richard. Non seulement la gélinotte, mais également le lièvre pullulaient au travers de tout ce magnifique petit royaume Estrien. Tous ces moments magiques passés à talonner l'un d'eux, avançant d'un pas feutré sous la lumière d'un Galarneau qui rendait les mille et une couleur de l'automne des plus agréables pour l'œil de l'enfant que j'étais en ce temps.

Les années ayant fait leurs bouts de chemin, nous nous primes mon jeune frère et moi, d'une passion grandissante pour la chasse au cerf de virginie. Nous commençâmes petit à petit à nous installer à certains endroits stratégiques le long de la terre.  Mon jeune frère s'était installé en bordure d'une transition, entre la petite érablière et un couvert mixte avec milieu humide. Il s'était fabriqué une petite cache avec quelques vielles planches et une poignée de clous rouillés. Mais moi… non, je ne pouvais me contenter de ce genre de mini projet d'un samedi après-midi. Moi j'étais plus du style grosse ambition pour un projet de quelques fin de semaines. J'y allais pour le méga mirador soutenu par quatre gros cèdres, le tout à très bonne hauteur du sol avec vue sur les trois prairies. Rien de moins voilà ! Ouf ! A part les quatre cèdres servant de piliers, lesquels mon oncle Richard avait coupés de sa scie à chaîne, trainés sur place et m'ayant aidé à monter, j'avais tout fait seul. Le produit fini me satisfaisait grandement.

Le fameux vieux mirador.


J'y ai chassé de nombreuse fois mais jamais de façon assidue. Je me servais de mon mirador plutôt comme plan B ou même C car je préférais de beaucoup me retrouver en pleine forêt pour la proximité avec le gibier que cela m'apportait.

Nous sommes à la fin des années 80. Je n'avais à l'époque aucune responsabilité familiale. Donc je pouvais prendre comme vacance la période complète de la durée de la chasse au chevreuil ce qui veux dire les 2 semaines complètes. Comme à chaque année, j'arrivais le vendredi soir vers 17h30 à la « ferme » et m'installai confortablement dans l'un des fauteuils. Après avoir soupé rapidement je m'ouvrais à l'aide de l'ouvre-bouteille une bonne O'keeffe légère ou peut-être même une 50 tablette...hihihi ! Frisson ! Aujourd'hui je n'ai plus l'estomac pour relever ce genre de défi...hihihi ! Après avoir assécher quelques bouteilles du précieux nectar, mon frérot arrivait vers les 21h40. Nous jasions de chasse tout les deux en se racontant les souvenirs passés et nous nous faisions accroire que cette année était la bonne pour la récolte du vieux « wise » qui hantait nos rêves.

Mon frère ne pouvant prendre aucune vacance en cette période de l'année et il ne venait que les fins de semaines. N'ayant rien vu à part quelques femelles avec leurs veaux, le frangin quitta la « ferme » et me laissa seule sur place à traquer la bête. Il faut que vous sachiez que celui-ci ne voulait absolument pas que j'utilise « SON » emplacement. C'était « SA » place ! Hehehe ! Où pensez-vous que je me retrouvai dès le lundi matin aux petites heures ? En plein dans le mille ! Assis sur les vielles planches recouvertes d'un vieux sous-tapis gris pâle, à l'intérieur de sa petite cache, dans l'érablière en bordure d'une belle petite transition. Je chassai à cet endroit le lundi ainsi que le mardi sans voir autre chose que nos même femelles et veaux. Le mercredi, je me levai tôt le matin comme à l'habitude et me rendis au lieu défendu. Je m'assis et ne bougeai plus, j'attendis en silence que le jour prenne toute la place. Une belle gelée recouvrait le tapis naturel de la forêt. Aucun vent ne soufflait, ni au Nord ni au Sud, à l'Ouest comme à l'Est c'était le calme plat. Le calibre 12 adossé à la rambarde me regardait d'un air suppliant, me priant de le laisser enfin s'exprimer librement voulant à tout prix briser se silence trop parfait à son gout. Je pris en main ma paire de corne synthétique acheté chez Lachance.

Je fais une courte parenthèse ici. Je m'étais procuré ces cornes quelques semaines auparavant. C'était les toutes premières cornes de rattling que le détaillant vendait. Pour ce temps, c'était une nouveauté ici au Québec. Il n'y avait que quelques exemplaires dans une vielle boîte de carton chez le détaillant. Moi qui lisais beaucoup de revues Américaines, j'avais lu que cette pratique pouvait être payante. Parenthèse fermé.

Hors donc, je pris en main cette paire de corne et commençai à les entrechoquer l'une contre l'autre tout comme le petit film de chasse Américain VHS visionné au cours des dernières semaines. Immédiatement après ce tintamarre fracassant, je perçu un bruit au loin devant moi. Puis un autre suivit d'un autre. Je pensai alors qu'une perdrix s'avançait tranquillement vers moi. « Tchouk ! » « Tchouk ! » Silence puis encore « Tchouk ! » « Tchouk ! » Étais-ce réellement une perdrix me demandais-je ? Mon calibre 12, toujours les yeux rivés sur moi, sautillait presque, tant il ne pouvait plus rester en place. Cela dura, il me semble, une éternité. Puis je vis apparaitre ce fantôme devant moi à quelques 60 ou 70 pieds. Un beau 5 pointes, le coup bien gonflé, s'avançait un pas après l'autre en direction des pommes que mon frère avait si gentiment laissées pour moi...euh ! Je veux dire pour lui.

Je saisis le 12 qui n'en pouvait plus de cette interminable attente. J'épaulai l'arme à mon épaule gauche, visai le coup puis... « Clic ! » Quoi ? Dans la nervosité la plus total, j'en avais oublié de repousser le cran de sureté. Même que, malgré le fait qu'aucun coup ne soit parti, j'avais même anticipé le coup en faisant le mouvement de recul. Pas fort ! Le cerf se trouvait toujours devant moi à chercher où était les combattants qui l'avaient fait sortir de sa cachette ? Je poussai le cran de sureté et m'épaulai à nouveau. Je visai le cou puis... « Kaboom ! » Enfin le calibre 12 retentit dans cette magnifique matinée de novembre. Le cerf déguerpit et disparu de ma vue en 2 bonds seulement. J'entendais non loin le bruit que faisait celui-ci qui agonisait en brisant les branches au sol. Le silence repris sa place aussi vite qu'il était disparu et là, je décidai d'attendre quelques minutes avant de partir à sa recherche. Seul, assis sur ce petit banc de bois, je jubilais de joie, tremblotant de cette décharge d'adrénaline que venait de me procurer ce long crescendo d'émotions pures.

Une fois descendu de la cache interdite, je m'avançai lentement en direction d'où le cervidé s'était échappé. Il ne me fallu parcourir que quelques mètres pour apercevoir l'animal reposant sans vie sur le sol gelé. J'étais tellement heureux ! J'étais si gratifiant de ce que la vie venait de m'offrir.

Je partis presqu'à la course traversant la forêt, puis courant à travers champs pour me rendre jusqu'au garage pour aller chercher le vieux Oliver 500 couleur vert malade. J'allai récupérer mon tout premier chevreuil et le ramenai au garage pour le pendre et y faire l'éviscération. Par la suite, moi qui n'avais comme véhicule qu'un vieux Dart Swinger 4 porte 1969, j'appelai un ami qui me prêta le camion de son paternel. Suite à quoi je partis en direction de Sherbrooke pour aller parader fièrement avec mon trophée. La première personne à qui je voulais montrer la bête fut bien sûr, mon jeune frère. Arrivé à son travail, je filai le retrouver derrière la cour à bois. Lorsqu'il me vit, je me rappelle ses yeux m'apercevant au loin. Je vis dans ceux-ci qu'il comprenait le pourquoi de ma visite surprise. « Tu as tué ? » Me demandât-il. « Oui », lui dis-je avec excitation. « Un beau petit 5 pointes ! » « Où ? » Dit-il ? Sans me laisser le temps de répondre il laissa aller un « Pas à mon spot ?

Voyant la réponse se dessiner dans ma figure il lança un « Taba..! Le frère ! C'était mon buck ! À mes pommes en plus. » 



Au final lorsque la poussière redescendit, il fut ravi pour moi et nous nous sommes empressés de prendre quelques bonnes froides le soir venu. Ahh ! L'esprit d'équipe ! Nous n'avons jamais perdu celle-ci depuis et cela, malgré le temps qui nous a changé, transformé, modelé, nous restons encore et aujourd'hui deux inséparables partenaires de chasse et les meilleurs amis du monde.

Que voulez-vous ? Comme dit si bien l'adage qui est devenu notre code d'honneur ; « Qui ne vas pas à la chasse perd sa place ! »



FIN



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