Le fameux vieux mirador.
J'y ai chassé de nombreuse fois mais jamais de façon assidue. Je me servais de mon mirador plutôt comme plan B ou même C car je préférais de beaucoup me retrouver en pleine forêt pour la proximité avec le gibier que cela m'apportait.
Nous sommes à la fin des années 80. Je n'avais à l'époque aucune responsabilité familiale. Donc je pouvais prendre comme vacance la période complète de la durée de la chasse au chevreuil ce qui veux dire les 2 semaines complètes. Comme à chaque année, j'arrivais le vendredi soir vers 17h30 à la « ferme » et m'installai confortablement dans l'un des fauteuils. Après avoir soupé rapidement je m'ouvrais à l'aide de l'ouvre-bouteille une bonne O'keeffe légère ou peut-être même une 50 tablette...hihihi ! Frisson ! Aujourd'hui je n'ai plus l'estomac pour relever ce genre de défi...hihihi ! Après avoir assécher quelques bouteilles du précieux nectar, mon frérot arrivait vers les 21h40. Nous jasions de chasse tout les deux en se racontant les souvenirs passés et nous nous faisions accroire que cette année était la bonne pour la récolte du vieux « wise » qui hantait nos rêves.
Mon frère ne pouvant prendre aucune vacance en cette période de l'année et il ne venait que les fins de semaines. N'ayant rien vu à part quelques femelles avec leurs veaux, le frangin quitta la « ferme » et me laissa seule sur place à traquer la bête. Il faut que vous sachiez que celui-ci ne voulait absolument pas que j'utilise « SON » emplacement. C'était « SA » place ! Hehehe ! Où pensez-vous que je me retrouvai dès le lundi matin aux petites heures ? En plein dans le mille ! Assis sur les vielles planches recouvertes d'un vieux sous-tapis gris pâle, à l'intérieur de sa petite cache, dans l'érablière en bordure d'une belle petite transition. Je chassai à cet endroit le lundi ainsi que le mardi sans voir autre chose que nos même femelles et veaux. Le mercredi, je me levai tôt le matin comme à l'habitude et me rendis au lieu défendu. Je m'assis et ne bougeai plus, j'attendis en silence que le jour prenne toute la place. Une belle gelée recouvrait le tapis naturel de la forêt. Aucun vent ne soufflait, ni au Nord ni au Sud, à l'Ouest comme à l'Est c'était le calme plat. Le calibre 12 adossé à la rambarde me regardait d'un air suppliant, me priant de le laisser enfin s'exprimer librement voulant à tout prix briser se silence trop parfait à son gout. Je pris en main ma paire de corne synthétique acheté chez Lachance.
Je fais une courte parenthèse ici. Je m'étais procuré ces cornes quelques semaines auparavant. C'était les toutes premières cornes de rattling que le détaillant vendait. Pour ce temps, c'était une nouveauté ici au Québec. Il n'y avait que quelques exemplaires dans une vielle boîte de carton chez le détaillant. Moi qui lisais beaucoup de revues Américaines, j'avais lu que cette pratique pouvait être payante. Parenthèse fermé.
Hors donc, je pris en main cette paire de corne et commençai à les entrechoquer l'une contre l'autre tout comme le petit film de chasse Américain VHS visionné au cours des dernières semaines. Immédiatement après ce tintamarre fracassant, je perçu un bruit au loin devant moi. Puis un autre suivit d'un autre. Je pensai alors qu'une perdrix s'avançait tranquillement vers moi. « Tchouk ! » « Tchouk ! » Silence puis encore « Tchouk ! » « Tchouk ! » Étais-ce réellement une perdrix me demandais-je ? Mon calibre 12, toujours les yeux rivés sur moi, sautillait presque, tant il ne pouvait plus rester en place. Cela dura, il me semble, une éternité. Puis je vis apparaitre ce fantôme devant moi à quelques 60 ou 70 pieds. Un beau 5 pointes, le coup bien gonflé, s'avançait un pas après l'autre en direction des pommes que mon frère avait si gentiment laissées pour moi...euh ! Je veux dire pour lui.
Je saisis le 12 qui n'en pouvait plus de cette interminable attente. J'épaulai l'arme à mon épaule gauche, visai le coup puis... « Clic ! » Quoi ? Dans la nervosité la plus total, j'en avais oublié de repousser le cran de sureté. Même que, malgré le fait qu'aucun coup ne soit parti, j'avais même anticipé le coup en faisant le mouvement de recul. Pas fort ! Le cerf se trouvait toujours devant moi à chercher où était les combattants qui l'avaient fait sortir de sa cachette ? Je poussai le cran de sureté et m'épaulai à nouveau. Je visai le cou puis... « Kaboom ! » Enfin le calibre 12 retentit dans cette magnifique matinée de novembre. Le cerf déguerpit et disparu de ma vue en 2 bonds seulement. J'entendais non loin le bruit que faisait celui-ci qui agonisait en brisant les branches au sol. Le silence repris sa place aussi vite qu'il était disparu et là, je décidai d'attendre quelques minutes avant de partir à sa recherche. Seul, assis sur ce petit banc de bois, je jubilais de joie, tremblotant de cette décharge d'adrénaline que venait de me procurer ce long crescendo d'émotions pures.
Une fois descendu de la cache interdite, je m'avançai lentement en direction d'où le cervidé s'était échappé. Il ne me fallu parcourir que quelques mètres pour apercevoir l'animal reposant sans vie sur le sol gelé. J'étais tellement heureux ! J'étais si gratifiant de ce que la vie venait de m'offrir.
Je partis presqu'à la course traversant la forêt, puis courant à travers champs pour me rendre jusqu'au garage pour aller chercher le vieux Oliver 500 couleur vert malade. J'allai récupérer mon tout premier chevreuil et le ramenai au garage pour le pendre et y faire l'éviscération. Par la suite, moi qui n'avais comme véhicule qu'un vieux Dart Swinger 4 porte 1969, j'appelai un ami qui me prêta le camion de son paternel. Suite à quoi je partis en direction de Sherbrooke pour aller parader fièrement avec mon trophée. La première personne à qui je voulais montrer la bête fut bien sûr, mon jeune frère. Arrivé à son travail, je filai le retrouver derrière la cour à bois. Lorsqu'il me vit, je me rappelle ses yeux m'apercevant au loin. Je vis dans ceux-ci qu'il comprenait le pourquoi de ma visite surprise. « Tu as tué ? » Me demandât-il. « Oui », lui dis-je avec excitation. « Un beau petit 5 pointes ! » « Où ? » Dit-il ? Sans me laisser le temps de répondre il laissa aller un « Pas à mon spot ?
Voyant la réponse se dessiner dans ma figure il lança un « Taba..! Le frère ! C'était mon buck ! À mes pommes en plus. »
Au final lorsque la poussière redescendit, il fut ravi pour moi et nous nous sommes empressés de prendre quelques bonnes froides le soir venu. Ahh ! L'esprit d'équipe ! Nous n'avons jamais perdu celle-ci depuis et cela, malgré le temps qui nous a changé, transformé, modelé, nous restons encore et aujourd'hui deux inséparables partenaires de chasse et les meilleurs amis du monde.
Que voulez-vous ? Comme dit si bien l'adage qui est devenu notre code d'honneur ; « Qui ne vas pas à la chasse perd sa place ! »
FIN