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Les Bûchers.

A la fin septembre  2001, j'ai eu la chance de visiter la Pourvoirie du Lac Geneviève dans l'ouest de l'île d'Anticosti. Ayant guidé pendant 10 ans à Anticosti mais dans le secteur est de l'île, j'étais bien placé pour comparer la qualité du territoire. À mon arrivée, un ancien client dont la sortie coïncidait avec mon entrée, me reconnu et d'emblée me dit: << Louis, perd pas ton temps, va chasser dans les grands bûchers>> .


Quelques jours plus tard, je dû avouer que je n'avais jamais vu autant de chevreuils, utiliser le même habitat qu'à cette pourvoirie. Je comprenais mieux pourquoi depuis 4 ou 5 ans, on ne parle que du Lac Geneviève comme destination Anticostienne.

D'abord heureux, pour la clientèle et les guides de cette pourvoirie, je me suis ensuite demandé si ces aimants à chevreuils, les bûchers, pouvaient avoir le même effet ailleurs au Québec et pourquoi. Pour répondre à cette question, il faut comprendre que le chevreuil est un animal qui recherche des plantes au plus taux de digestibilité possible et qu'il peut vite changer ces plantes (métaboliser) en muscles et en gras. Conséquemment, le chevreuil aime mieux se déplacer largement pour s'assurer d'avoir des plantes hautement nutritives qui satisferont ces besoins élevés en protéines ( environ 16% en été et en automne). De ce fait, votre territoire de chasse peut sembler avoir une quantité inépuisable de nourriture, si cette dernière est peu assimilable, la densité de chevreuil restera basse et ces derniers auront tendance à passer plutôt que de s'y arrêter et y manger. La manière que le chevreuil procède pour sa nourriture,  pourrait être comparée à un gros bol de noix mélangés, déposé sur une table durant un party de bureau. Une heure plus tard, vous avez généralement un plat de peanuts qui reste car tous les autres types de noix ont été sélectionnés avant par les différents invités. Souvent, les forêts caractérisant nos territoires de chasse ressemblent à un gros plat de peanuts. 

Plusieurs études( > 50) ont caractérisé assez précisément l'effet des coupes forestières sur la  distribution et le déplacement du chevreuil. Quelque-unes effectuées plus spécifiquement dans l'hémisphère nord ont attiré mon attention. Trois points précis expliquent l'engouement du chevreuil pour les jeunes coupes forestières à blanc de moins de 6 ans. Les coupes forestières bénéficient d'un ensoleillement rapide et intense dès la fonde des neiges et sont donc les premiers secteurs forestiers où les plantes herbacées, qui incluent les trèfles, les graminées sauvages et les mauvaises herbes comme les chardons, vont commencer à pousser. Il est à noter à ce stade, que ces aliments seront grandement utilisés jusqu'à la fin juillet où ces plantes commenceront à être graduellement abandonner dû à leur maturité et ce au détriment du feuillage maintenant abondant des arbustes. 

Le second facteur, qui d'après la plupart des chercheurs est le plus important, semble être la forte repousse des arbustes de toutes sortes. Des jeunes pousses d'érables rouges, à sucres, à épis, de chênes, de trembles et d'un nombre considérable d'autres espèces ont deux caractéristiques communes. D'abord, leur jeune feuillage est très hautement digestif avec peu de fibre et un taux protéique très élevé ( > 16%). Plus tard, en saison automnale, ces jeunes arbustes sont souvent les derniers aliments de grandes apports énergétique pour le chevreuil. On a longtemps cru que lorsque la repousse dans les bûchers atteignant une hauteur de plus de 2 mètres, les chevreuils l'évitaient car la nourriture devenait inaccessible. La vérité est toute autre et porte à réflexion. En fait, lorsque les arbustes vieillissent, leur feuillage devient beaucoup plus fibreux et moins protéique, l'énergie déployée par le chevreuil devient trop élevé pour les bénéfices apportés. Si votre territoire de chasse vous appartient, ces vieux bûchers de plus de 6 ans devraient à nouveau être recouper et ainsi sacrifier pour maintenir la qualité du garde-manger.

Le faible taux de succès des prédateurs à capturer le chevreuil dans des vieux bûcher serait un facteur non négligeable et  déterminant qui stimule les chevreuils à utiliser ces derniers assidûment. En effet, non seulement, il peut être difficile pour un prédateur de tenter une approche en milieu ouvert mais en plus le sol des bûchers est souvent juché par de nombreux débris de coupe qui limitent le déplacement fluide des canidés et de l'ours noir.

Les études démontrent que des petites perturbations forestières de moins que 3 acres n'augmentent pas la densité globale de chevreuils dans le secteur mais à tendance à plutôt concentrer les chevreuils aux alentours des coupes. Donc, une petite coupe drainerait le chevreuil pour l'attirer dans un secteur donné. De grandes coupes à blanc,  de plusieurs dizaines d'acres et plus, comme celles que j'ai chassé à Anticosti, sur le territoire de la pourvoirie du Lac Geneviève, non seulement, elles canaliseraient les activités des chevreuils sur de très grandes surfaces environnantes mais en plus, elles contribueraient à favoriser une augmentation substantielle de la productivité du chevreuil donc de sa population. Pour cause, car certaines études ont comparés le niveau de productivité végétale des zones de coupe comparativement à des forêts adjacentes semi-matures à matures ( âgées de 40 à 100 ). Dans les meilleurs cas, il peut y avoir jusqu'à 20 fois plus de nourriture digestible et assimilable pour le chevreuil dans les zones de coupe. On rapporte par exemple, qu'une érablière mature produit entre 10 et 40 kg de nourriture  par acre par année. Tandis qu'une coupe forestière de trois ans pourra favoriser la pousse de plus de 400 kg de nourriture à chevreuil qui de plus, serait beaucoup plus protéique donc encore meilleur pour ces derniers. 

Devant tant d'évidence, le chasseur de chevreuil à tout avantage à exploiter ces fameux bûchers. Par contre, quoique naturel, un site nourricier comme une coupe à blanc peut avoir les mêmes effets pervers qu'un champ agricole. Situé dans un secteur trop ouvert et facilement atteignable par la majorité des chasseurs du secteur, il deviendra vite utilisé de jour par des femelles et de jeunes mâles tandis que les mâles matures attendront le couvert de la nuit avant d'y pointer le museau. Alors les chasseurs les plus travaillants et expérimentés seront s'embusqués plus profondément en forêt sur les sentiers menant à ces garde-manger.

Bonne chasse.

Louis Gagnon

 


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