Non, il ne s'agit pas du bruit de déclenchement produit par l'appareil lorsque l'on prend un cliché… Le « bruit digital » est une référence à la granulosité qui dégrade certaines images, spécialement celles réalisées avec un ISO élevé. Le bruit numérique est souvent comparé au « grain » des pellicules très sensibles utilisées avant l'avènement du numérique. Bien que d'apparence similaire, l'origine du grain numérique est très différente.
La meilleure analogie pour comprendre le bruit numérique n'a rien à voir avec la photographie. Mettez un amplificateur sous tension sans mettre de musique. Montez ensuite le volume. Vous entendrez une sorte de bruit de fond. Si on ajoute ensuite de la musique, ce bruit de fond demeure, réduisant la qualité de la reproduction sonore. En photographie, la musique est notre image alors que le bruit numérique représente des pixels parasites qu'il serait souvent préférable d'éliminer. On parle alors de « ratio bruit-signal » (Noise to Signal Ratio) et plus l'ISO grimpe, plus le ratio du bruit augmente.
Les appareils photo ne sont pas tous créés égaux et certains sont meilleurs pour réduire le bruit directement à la prise de vue. Mais peu importe l'appareil utilisé plusieurs stratégies existent pour limiter l'apparition du bruit numérique. La première est de bien exposer vos images.
J'ai souvent entendu les commentaires de certains amateurs se plaignant que tel ou tel modèle d'appareil produit des images granuleuses même à des ISO plutôt bas, un commentaire surprenant lorsqu'il vise un appareil réputé comme excellent en basse lumière. En examinant les images originales et leur histogramme celles-ci paraissent drastiquement sous-exposées. Pour obtenir une image décente il faut alors augmenter sa luminosité, ce qui augmente d'autant le ratio bruit-signal et fait ressortir beaucoup de grain dans l'image finale. Les photographes d'expérience suggèrent souvent « d'exposer à droite », autrement dit, une image bien exposée verra son histogramme décalé vers la droite le plus possible, sans toutefois brûler l'image. Ce faisant, on augmente la portion du « signal » par rapport au « bruit ». Au pire, il faudra peut-être assombrir l'image pour obtenir un rendu acceptable mais la photo finale sera alors virtuellement dénuée de bruit numérique.
Inévitablement, si l'ISO augmente à un certain niveau le bruit numérique commencera à pointer sa vilaine tête. La plupart des reflex ou des hybrides offrent la possibilité de réduire le bruit digital en haut ISO dans un de leurs menus. L'appareil adouci alors l'image pour rendre le bruit moins apparent, ce qui réduit également la résolution des fins détails. Jusqu'à quel point cette perte de détail est acceptable variera selon chaque photographe et chaque appareil. Le mieux est de faire quelques tests en photographiant le même sujet avec un ISO élevé tout en variant le niveau de réduction du bruit utilisé.
Les longues expositions sont également une source de bruit numérique. Plus le capteur demeure actif longtemps plus il chauffe et plus le bruit numérique augmente. L'astrophotographie est un domaine particulièrement vulnérable puisque les expositions de nuit dépassent souvent plusieurs minutes. Ici encore les appareils avancés offrent la possibilité de réduire le bruit numérique pour les longues expositions. Pour ce faire, l'appareil prend la première exposition telle que choisie par le photographe pour ensuite en faire une deuxième de même durée mais sans ouvrir l'obturateur. Cette deuxième exposition crée une image noire qui sera analysée par l'appareil pour y détecter le bruit numérique qui sera subséquemment soustrait de l'image finale.
Si certains modes et réglages n'ont aucune incidence sur les images RAW, la réduction du bruit numérique quant à elle est appliquée avant même que l'image ne soit sauvegardée sur la carte, de sorte que son effet est également utile pour les photographes avancés qui travaille en fichier RAW. Faite le test.
Finalement, certains appareils donneront de meilleurs résultats si l'on respecte leur ISO « natif ». Il s'agit de l'ISO de base du capteur numérique. Dans certains cas, cet ISO natif peut se retrouver dans le manuel de l'appareil, sinon on peut le découvrir suite à une petite recherche sur le web. Une autre méthode consiste à faire des tests systématiques en photographiant du noir en variant l'ISO. Un truc en astrophotographie consiste faire des expositions de 30 secondes (sans réduction du bruit) tout en laissant le capuchon de l'objectif en place. Examinez la photo à un grossissement de 100% et vous verrez le bruit numérique.
Une fois l'ISO natif établi, il faut multiplier par deux pour éviter une interpolation qui risque d'augmenter le bruit numérique. Ainsi mon Canon 6D a un ISO natif de 160. Aucun problèmes si l'ISO est maintenu au-dessous de 800, mais si il faut pousser la machine on monte en doublant : 160, 320, 640, 1250, 2500, 5000, 10000…
Dernier conseil : pour mieux contrôler le bruit numérique mieux vaut le choisir soi-même plutôt que de laisser le choix à l'appareil en utilisant l'ISO automatique. Dans ce dernier cas l'appareil part du principe que le photographe travaille sans trépied et monte automatiquement l'ISO dès que la vitesse se met à descendre.
Christian Autotte